dimanche 27 janvier 2008

Un petit coup de pouce à "L'Etranger"

Depuis la mi-2007, Thierry DELAVEAU a lancé un nouveau journal (tout d'abord mensuel d'avril à septembre 2007 puis bimestriel) dénommé L'Etranger.
Un journal de plus ? Non, une parole engagée
Le numéro 1 expose la philosophie de ce journal alternatif, journal des idées. Il est disponible dans un petit réseau de vente local (eg cinémas Utopia) au prix unitaire de 4 Euros (ceux qui ont de bons salaires sont invités à soutenir financièrement le journal, tant sa voix dans le paysage médiatique est salutaire et courageuse).
Site internet : http://journal-letranger.com
Adresse mel : journal.letranger@free.fr

Le mensuel l’Etranger se veut le lieu du partage, de l’expression citoyenne et pour ce faire, de l’engagement de plumes volontaires et renouvelées dans la participation aux autres numéros. Vous pouvez envoyer vos propositions et participations à :

Directeur de Publication :
Thierry Delaveau
Mensuel l’Etranger
2 avenue des Ecoles
31590 Verfeil
Tél. 05 61 74 92 38

De la démocratie...

lundi 15 octobre 2007, par Thierry Delaveau

« Un journaliste n’est pas là pour défendre le pouvoir mais pour critiquer»
Geneviève Zongo, veuve du journaliste Norbert Zongo.

La question de la démocratie est un sujet trop sérieux pour être laissée au seul usage de nos gouvernants, attitude qui serait d’ailleurs contraire à l’esprit constituant l’essence même de la démocratie, à savoir le gouvernement par le peuple.

Or qu’en est-il ? « La constitution qui nous régit n’a rien à envier à celles de nos voisins. Loin d’imiter les autres peuples, nous leur offrons plutôt un exemple. Parce que notre régime sert les intérêts de la masse des citoyens et pas seulement d’une minorité, on lui donne le nom de démocratie. (…) Nous sommes en effet les seuls à penser qu’un homme ne se mêlant pas de politique mérite de passer, non pour un citoyen paisible, mais pour un citoyen inutile. Nous intervenons tous personnellement dans le gouvernement de la cité par notre vote ou même en représentant à propos nos suggestions. Car nous ne sommes pas de ceux qui pensent que les paroles nuisent à l’action. »

Ces éléments de discours ne sont nullement issus d’une diatribe politique d’un candidat à l’élection présidentielle, ils datent de 2500 ans et proviennent de l’« Oraison funèbre » prononcée devant une assemblée de citoyens athéniens par le grand stratège Périclès.

La démocratie athénienne telle qu’elle s’exprime ici, est celle qui aura posé les fondements d’un régime accordant à tout citoyen le droit d’être parmi l’Assemblée des citoyens qui siège, débat, délibère et pèse quant aux décisions finales et politiques engageant le destin de la cité. « L’assemblée du peuple est souveraine sur toutes les questions » déclarera Aristote. L’intention de Périclès est clairement d’intéresser tous les membres du corps civique à l’administration de l’Etat, si bien que tous les citoyens puissent effectivement prendre part à la vie politique.

Ces vers des Suppliantes, tragédie d’Euripide, en témoignent : « Notre ville n’est pas au pouvoir d’un seul homme. Elle est libre. Son peuple la gouverne, ses chefs sont élus pour un an, l’argent n’y a nul privilège. Le pauvre et le riche ont les mêmes droits. » Démocratie directe où le peuple participe à l’organisation, à la construction et au cheminement politique du pays.


©2007 Christelle Bouvet - Directeur de Publication :Thierry Delaveau - Mensuel l'Etranger,


Les nouveaux convertis du pseudo-libéralisme économique et du moralisme : déceptions en chaîne

Il semble bien depuis une trentaine d'années que l'on compte plus d'ex-communistes désormais tout acquis aux valeurs capitalistes, que de gens ayant fait le chemin inverse. Il apparaît que les ex-rouges ont tellement viré casaque qu'ils ont honte de leurs anciens engagements (cf notamment L. Jospin qui alla jusqu'à mentir au peuple français sur ses activités trotskistes avant qu'il rejoigne le PS). Mais le mouvement le plus inquiétant provient d'Amérique du Sud. Que d'espoirs déçus : Lula Da Silva au Brésil, ex-leader d'un syndicat d'ultra-gauche, s'affiche avec tous les financiers du monde. Il a renoncé à presque tout le programme progressiste présenté lors de sa première élection. Il a lancé son pays dans un programme d'achats d'armements, de développement à outrance des agro-carburants (faisant en cela le jeu d'une économie libérale acquise au "tout-voiture" alors que de vastes modifications de comportements individuels et collectifs sont nécessaires pour tenter de préserver l'équilbre écologique planétaire). Evo Morales, ex-leader syndicaliste gauchiste qui défendait alors le droits des autochtones indiens face aux prédateurs blancs. Depuis son accesssion au pouvoir fin 2005, il fait concession sur concession à l'olgarchie bolivienne. Ses partisans qui avaient lancé une grande offensive révoluionnaire en mai-juin 2005 sont de plus en plus démobilisés. Dans le camp d'en face, les oligarques, un premier temps démoralisés, n'ont cesse de grignoter du terrain, fourbissant les puissantes armes de la contre-offensive. Michèle Bachelet se situant au centre-gauche (au sens français), hormis les medias qui l'a présentait comme une candidate socialiste, ne peut être considérée que comme une tenante de la social-démocratie que l'on expérimente depuis un 1/4 de siècle et qui a donné les résultats que l'on sait sur les plans économiques, culturels, financiers, moraux. Les marxistes chiliens n'ont donc rien à espérer de cette présidente élue début 2007. Daniel Ortega apparaît très fatigué, sans fougue; à sa décharge, il a souffert dans son passé de lutte sandiniste dans les années 1970-80 (on rappelera pour mémoire qu'il fut président du Nicaragua de 1985 à 1990). Il semble bien avoir trahi ses convictions marxistes-léninistes à plusieurs reprises dans le passé (confiscation au profit de cadres du parti d'ensembles fonciers et immobiliers en 1990; pacte avec l'ex-président Arnoldo Alemán en 2004; gages donnés aux libéraux quant à sa rupture effective avec le sandinisme; alliance récente avec des groupes d'intérêts de la droite nicaraguéienne). La dernière rencontre Chavez-Ortega que l'on a pu regarder avec intérêt pendant plusieurs heures sur Telesur, a clairement montré le renoncement d'Ortega. Alors que la sincérité et la fougue de Chavez donnaient à ces moments une intensité, une émotion militante pour qui croit que le Vénézuela est actuellement le seul laboratoire du socialisme du 21ième siècle. Il ne s'agit pas de souhaiter l'avènement d'une société socialiste pour une société socialiste, de manière purement idéologique et dogmatique. Il s'agit de la conscience profonde que le capitalisme doit être mis à bas et remplacé par un système égalitaire, démocratique, transparent, un gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple (un slogan galvaudé depuis longtemps par bien des pseudos hommes et femmes "de gauche", de F. Mitterrand à H. R. Clinton). Un système qui devra garantir une réhabilitation de pratiques écologiques (transport, agriculture, constructions mobilières, pêche, chasse). Un système qui devra élever le niveau d'éducation sans instiller une quelconque propagande officielle. Un système qui, élevant ainsi le niveau de conscience de chacun, devra insister pas tant sur les droits que sur les devoirs de chaque citoyen; pas question de déresponsabiliser qui que ce soit. La motivation pour le progrès social, pour l'émancipation individuelle et collective sur divers plans, peut efficacement remplacer l'avidité et la cupidité capitaliste et individualiste. Avidité et cupidité qui sont le fait d'un grand nombre, en pensée et/ou en action. De la gauche caviar qui tient un discours gauchiste mais aime le pouvoir pour le pouvoir, le luxe, l'argent, la gloire, à l'individu pris au piège de ses contradictions qui, le mercredi va défiler pour la défense du Service Public ou participe à la réunion de sa section socialiste ou de sa cellule communiste, et qui, le vendredi achètera des actions d'EDF ou signera un Plan d'Epargne Retraite. Nul n'est à l'abri de tels errements, de tels renoncements. Là comme ailleurs, une très grande vigilance est de mise. Le regard critique ne peut s'exercer que sur les autres, il se doit d'être exercé sur sa propre vie, sur la réalité des ses engagements politiques (réels ou virtuels par manque de courage). Souhaiter le développement d'expériences socialistes n'exclut pas une dose de réalisme. Les idées communistes sont soient venues trop tôt soient triompheront très modestement trop tard. Elles exigent un tel niveau d'abnégation, de courage, de persévérance, d'intégrité, de probité, de foi laïque même oserais-je dire, dont peu d'hommes et de femmes sont les récipiendaires. Je ne crois pas en le succès de mes idées, m'opposant en cela en la vision Jaurésienne et Mendésiste qui pensait que toute idée juste finissait par triompher dans la mesure où le gouvernement en faisait éclater le bien-fondé. Cela suppose que l'individualisme soit réduit à sa place adéquate. Non que chacun perde son intégrité physique, moral, intellectuelle au sein d'un société totalitaire, mais que chacun mette l'objectif du progrès social collectif avant celui du progrès social individuel. Que l'intérêt collectif prenne le pas sur les intérêts particuliers. Les forces réactionnaires, ou même les forces centristes, sont fermement opposées à la survenue d'une telle société dont je n'ai fait qu'esquisser les contours (au risque de voire de mésinterprétations survenir chez l'internaute non averti). Je suis convaincu que mes idées ont désormais subi une défaite politique et idéologique quasi définitive. La grande majorité de la population mondiale aspire à vivre dans une société consumériste, débarassée de ses vieux oripeaux traditionnels (quand bien même ces traditions sont celles, forts positives, de la tolérance, du respect de "L'Etranger", d'un habitat modeste, d'une non-prédation des ressources naturelles). Ce mouvement de recul est visible sur tous les continents depuis peu. Le jeune algérien ne comprend pas son papy communiste qui avait rêvé d'une Algérie confraternelle, mêlant européens, kabiles, arabes, croyants et athés, politisés et a-politiques (ce rêve, qui fut notamment celui d'un Henri ALLEG, torturé par l'Armée Française, ne vit pas le jour. Les extrémistes de l'OAS, du FLN, les "pragmatiques" de la SFIO et de l'UDR ne voulait pas d'une telle Algérie. Que de souffrances ce peuple a t-il enduré de la conquête française à l'époque actuelle du lobby militaro-industriel). Il ne comprend pas que son papy se satisfasse (sans renoncement aucun) de sa modeste orangeraie, d'une vie simple mais ample. Il l'interpelle " tu n'as pas d'ambition; il aurait fallu racheter des terres, développer ton activité, gagner de l'argent" (le documentaire qui montre le retour en Algérie d'Henri Alleg à la rencontre de ses anciens compagnons de lutte contre l'occupant militaire français colonialiste, est à ce titre très parlant). Une part significative d'Iraniens en 2008 aspirent eux-aussi à un modèle consumériste (quel qu'en soit le prix) : une belle voiture, une grosse maison, une belle femme. Comment peut-on raisonnablement penser, et je m'oppose en cela à mes amis de La Riposte (je pense notamment à Hubert Prévault de la CGT-Airbus), que la victoire des idées communistes est inéluctable. Non, leur défaite est inéluctable. Ce n'est pas être négatif, défaitiste que de le dire. Si la grande majorité des gens dans ce pays, et ailleurs, se plait, plus ou moins, dans une société capitaliste, il n'y a aucun espoir de convaincre, par le débat, une portion significative de la population. On ne peut pas aller contre ce désir populaire. Cela n'empêche pas de garder ses valeurs et de tenter de réduire, autant que faire se peut, nos actions allant à l'encontre de ses valeurs affichées auprès des autres. Cohérence maximale, intégrité, petits progrès individuels dans le cadre d'une action consciente et déterminée. Cela constitue déjà, à tout le moins, un programme ambitieux.

samedi 26 janvier 2008

La Riposte

Retrouvez mes amis marxistes de La Riposte soit sur le web : www.lariposte.com, ou en vous abonnant à leur numéro désormais mensuel (15 Euros pour 10 numéros, 20 Euros en abonnement "solidarité" pour donner un petit coup de pouce). Greg Oxley et Alan Woods produisent des analyses pertinentes de l'actualité nationale et internationale. On peut recevoir ces textes en s'abonnant à la newsletter à recevoir dans sa boite mel. La Riposte met également en vente des T-shirts originaux, et ré-édite des livres forts intéressants : comme "L'Etat et la Révolution" de V.O. Lenine (à prix très doux). Les idées marxistes sont plus que jamais d'actualité.

mercredi 23 janvier 2008

OPAs Sarkosystes : une honte

Faussaire, démagogue, amoral, tel se révèle Nicolas Sarkozy à ceux qui le croyait homme de rupture, en qui l'on pouvait avoir confiance, qui résoudrait les multiples maux français. Comment peut-on parler de "pensée sarkozyste" dans un tel contexte ? il est devenu spécialiste, sous la férule du secrétaire général de l'Elysée, ex-chiraquien, Claude Guéant (auteur d'un discours nauséabond prononcé à Dakar par N. Sarkozy en juillet 2007), du recyclage bas de gamme. Citons en vrac :
1 . la "politique de civilisation" : un concept du sociologue Edgar Morin, apôtre de la complexité, qui a été dévoyé par Claude Guéant et Nicolas Sarkozy. Seul le nom a été repris. Guéant et Sarkozy ont ils lus les ouvrages du sociologue, et plus particulièrement celui dans lequel il décrit ce concept de politique de civilisation au sein d'un chapitre de 70 pages.
2. Mémoire communiste autour de la figure de Guy Môquet : le PCF a créé une mémoire communiste révisitée. Pour autant, cela autorisait-il N. Sarkozy à utiliser la trop fameuse lettre de Guy Môquet. Pour moi, le plus grand héros communiste de la résistance communiste fut persécuté par le PCF, tout acquis au stalinisme : Georges Guingoin. Une figure du maquis limousin. On lui fera payer cher son idéalisme.
"Guy Môquet est passé dans l'histoire comme un des symboles de la Résistance française. Le qualificatif de résistant, souvent utilisé à son propos, notamment par les médias, est cependant l'objet d'un débat récent parmi quelques historiens." voila ce qu'en dit Wikipedia. Pour ma part, faire de G.M. une icône de la résistance est une erreur historique. La réalité est que s'il passait des tracs communistes, on était loin du résistant FTP MOI (ceux-la, je les bade). C'était peut-être un résistant significatif en devenir. Le PCF s'est refait une virginité après-guerre, tentant peut-être de faire oublier son soutien à l'Union Soviétique, même pendant le pacte de non agression germano-soviétique (le parti des futurs fusillés n'était nullement sur une ligne de résistance à l'occupant). Le même PCF s'illustrera par des positions ultra-réactionnaires lors des révoltes de Budapest (insurrection populaire du printemps 1958 écrasée par le pouvoir stalinien en place en Hongrie, avec le soutien actif de Moscou) et Prague (révolte populaire du printemps 1968, écrasée en novembre) , l'invasion de l'Afghanistan, l'état de siège décrété par le Général Jaruzelsky en Pologne en 1981, etc ... j'oubliais les caillassages de militants trotskystes dans les années 70, la mauvaise gestion de nombre de municipalités communistes (tellement loin de l'idéal communiste, que, eh bien oui, ces élus PCF ont contribué à souiller cet idéal durablement, à éloigner définitivement les couches populaires du vote de gauche, à humilier les fils et filles "d'immigrés", à qui le PCF avait beaucoup promis, et si peu donné dans les faits).
3. Grandes figures du socialisme français : Jean Jaurès, Léon Blum, Jules Guesde : qui peut croire que l'inculte N. Sarkozy a lu un seul ouvrage, un seul texte de ces socialistes du 20ième siècle ?
4. Général De Gaulle : on peut penser ce que l'on veut du Général, j'ai été choqué de la visite de N. Sarkozy à Collombey suite à son élection. Lui qui a sabordé le gaullisme sans états d'âme. Tout pour la communication, l'esbrouffe. L'archétype de l'arriviste, vulgaire, inculte, amoral. Cet homme va mener la France dans une pente très dangereuse. Son élection probable, annoncée comme certaine pendant des mois par les mass-media, cette seule perspective me glaçait les sens.
L'habit de président de la République est bien trop grand pour N. Sarkozy : pas plus que S. Royal, il n'avait la carrure requise pour la fonction. La République est fort mal en point depuis si longtemps (depuis ses débuts ?). On ne peut que s'en inquiéter face au bellicisme, à la bigoterie de façade, à la haine de la culture, au mépris de la Fonction Publique en tant qu'instrument de justice sociale, de notre Président. Qui a rendu la France ridicule aux yeux des étrangers en si peu de temps. Lisez la presse conservatrice britannique ou allemande : un désastre. Se jetant bêtement dans les bras de néo-cons US en totale perte de vitesse dans leur propre pays, déconsidérés après 2 mandats de leur poupée fantoche, s'alignant sans réserve sur la politique réactionnaire de la droite israélienne (n'y avait-il pas un équilibre à trouver entre le soutien à une Autorité Palestinienne - incompétente, corrompue et méprisant depuis des décennies les populations paupérisées de Gaza et de Cisjordanie - , et le soutien aux faucons israéliens ? certes, on voyait mal N. Sarkozy soutenir la vraie gauche israélienne dont le pays a besoin compte tenu des énormes difficultés d'une part croissante des juifs israéliens; eux comme d'autres de part le monde, jetés en pâture à la voracité ultra-libérale. De là à liquider la politique étrangère de la France sous la 5ième République ...).

(ébauche à compléter)

Lignes de fuite

"Lignes de fuite" est une émission hebdomadaire de France Culture (le samedi de 17h56 à 18h; le podcast de la dernière émission diffusée est disponible sur le site internet de France Culture : http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture/podcast/ pour la liste de toutes les émissions podcastées, ou directement en ajoutant cette adresse à votre logiciel d'écoute de podcast : http://radiofrance-podcast.net/podcast/rss_10472.xml; l'écoute des archives est possible également), une chronique intelligente, brillante même, du journaliste Edwy Plenel. Un vrai regard critique, un ton vif et parfois acerbe. Qui tranche avec la droitisation de France Culture depuis quelques années et la malhonnêteté intellectuelle d'un Alain-Gérard Slama, d'un Alexandre Adler voire, parfois, et je le regrette, d'un Alain Finkelkraut (tous trois pourtant gens de culture, intellectuellement brillants). Ce 5 janvier 2007, E. Plenel lit un extrait des causeries du samedi de PMF : il suffit d'écouter et l'on reconnait à coup sûr le souffle, l'humanisme, l'intelligence, le respect des autres, la pensée mendésistes. Je ne peux résister au plaisir de retranscrire ici cette chronique dans son entier :

Lignes de fuites, 5 janvier 2008, Edwy PLENEL

C'est un mot, un seul mot, un simple mot , qui de nos jours n'a pas très bonne presse. Même certains journalistes le déconseille, lui préférant la neutralité, l'hônneteté, l'objectivité, tous ces termes qui euphémisent, comme l'ont dirait endormir. Ce mot c'est tout simplement « vérité ». Bizarre, comme c'est devenu un lieu commun de proclamer son caractère relatif, discutable, moralisateur, normatif, totalitaire, prétentieux, que sais-je. Or voici que j'ai sous les yeux un petit livre, simplement intitulé « dire la vérité ». Quelle prétention ! quel orgueil ! quelle folie ! J'y lis ceci par exemple : « Oui, le salut exige que le régime républicain soit fondé sur des relations étroites qui seules permettent la franchise réciproque la plus complète; celle du gouvernement qui explique sa politique jour après jour, qui ne biaise pas, qui ne dissimule pas et qui n'hésite pas à faire front sur le bon sens, le courage et la foi du pays. Celle du parlement qui exprime fidèlement la volonté populaire, et la fait respecter et celle du pays tout entier qui doit choisir son destin en pleine connaissance de cause pour l'accomplir d'une volonté affirmée. ». J'y lis aussi ceci « Je tiens maintenant à venir m'entretenir avec vous. Mon propos n'est pas de vous donner de grandes nouvelles, ni de vous annoncer des décisions importantes que vous ne connaissiez déjà. Non, l'objet principal de cette allocution est de vous dire mon intention de m'adresser régulièrement à vous pour vous parler en toute simplicité, comme ce soir, et vous tenir au courant de ce que fait, de ce que pense le gouvernement, qui est votre gouvernement. ». J'y lis encore ceci : « Puis-je vous adresser une demande personnelle, à chacun de vous ? Oui, je vous le demande : ne laissez pas s'écouler ce dimanche sans avoir réfléchi, au moins quelques instants, à cet appel que je viens de vous faire, à cette aide que chacun de vous doit m'apporter. ». Imaginez-vous un tel propos aujourd'hui à la radio ou à la télévision. Cet éloge du parlement, cet appel au collectif, ce souci de l'exactitude, et par dessus tout, cette révérence à la vérité, cette soif disait-il de vérité qu'il jugeait indissociable de l'appétit de progrès. Et oui, « dire la vérité », c'est le titre sous lequel les éditions Tallandier, dans leur collection Texto, ont eu la bonne idée de re-publier « les causeries du samedi », et nous sommes samedi, de Pierre Mendès-France. Vous le savez, Pierre Mendès-France n'est resté que sept mois et quelques jours au pouvoir. Pourtant, ces moments si brefs de notre vie politique, il y de cela plus d'un demi siècle, restent encore une référence. Alors même qu'ensuite PMF ne sera plus jamais un acteur décisif de notre vie publique, si l'on entend par là le pouvoir, sa quête, son goût. Pourquoi, pourquoi cet écho, cet éclat si fort, si vif, malgré l'échec, malgré le temps. Parce que nous y mettons notre regret, câché, silencieux, d'une politique d'exigence, d'une politique d'ambition, d'une politique de vérité. D'une politique qui ne se ramènerait pas à cette pauvre, à cette dérisoire histoire qu'on nous rabâche depuis tant d'années maintenant, de Mitterrand à Sarkosy en passant par Chirac. L'aventure d'un seul homme, d'un seul homme, qu'un homme comme tous les autres, comme vous et moi auquel seul le pouvoir, son appétit, son goût, pas l'appétit du progrès, pas l'appétit de la vérité, le goût, l'appétit du pouvoir, confère des attraits particuliers. Oui, c'est cela l'utopie Mendès-France, la politique à hauteur d'homme. Son préfacier, Eric Roussel, le dit fort bien. Je le cite : « Pierre Mendès-France, s'il consultait les sondages, n'en était pas l'esclave. Il pensait que les idées justes finissent par triompher, à condition qu'on en fasse éclater le bien-fondé. Tel était précisément à ses yeux la mission de l'homme politique. Aucune concession à l'irrationnel de la part de cet héritier des lumières. Aucun calcul politicien. Seulement la rage de convaincre le citoyen avec la certitude que la démocratie est une chose fragile, que l'on pervertit faute d'un code moral. C'était donc ma causerie du samedi, et, allez, c'était un peu aussi mes voeux.

".

Ces "causeries du samedi" de PMF ont donc été récemment ré-éditées :
Dire la vérité : Causeries du samedi, juin 1954 - février 1955
Dire la vérité : Causeries du samedi, juin 1954 - février 1955 par Pierre Mendès France (Broché - 4 octobre 2007) . Prix indicatif : 6,50 Euros.

Les barbouzeries de la CIA depuis 1945 : un refus des expériences socialistes

Mehdi Ben Barka (Maroc), Mohammed Mossadegh (Iran), Patrice Lumumba (Côte d'Ivoire), Salvator Allende (Chili), Ernesto Che Guevara (Bolivie) : tous assassinés par la CIA ou à l'initiative de la CIA et du pouvoir politique américain. Pourquoi ? on peut sans trop de risques avancer plusieurs raisons : tous, sans exception, se sont opposés au colonialisme hideux de l'Occident, à la mainmise des sociétés étrangères sur les ressources gazières, minières, pétrolières, de leur pays. Tous proposaient une autre voie sociale, politique, culturelle; une voie faite de pluralité politique, de pluralité ethnique, de valeurs démocratiques, d'économie non capitaliste. Ces projets là étaient des utopies inacceptables pour les grandes puissances. Elles ont donc mis fin à ces expériences socialistes. Des utopies qui tranchaient avec la froide réalité de l'Union Soviétique. Pourtant, parmi ces grands noms que je citais, certains ont étudié en URSS, ou ont eu partie liée avec l'odieux pouvoir totalitaire soviétique.

* Mehdi Ben Barka (Maroc) :
Mehdi Ben Barka (en arabe : المهدي بن بركة) (né en janvier 1920 à Rabat, Maroc - disparu le 29 octobre 1965 à Fontenay-le-Vicomte) était un homme politique marocain, principal opposant socialiste au roi Hassan II et leader du mouvement tiers-mondiste et panafricaniste. A ces dates (le 29.10.65: l'enlèvement et le 29.12.65: l'assassinat), le général de Gaulle était Président de la République, Georges Pompidou premier ministre et Roger Frey, ministre de l'Intérieur. Techniquement, il est impossible qu'aucun de ces trois hommes n'ait participé de près ou de loin à l'Assassinat de Mehdi Ben Barka...

Mais, curieusement, comme dans l'affaire Kennedy la presse se focalisera sur des personnages secondaires (Antoine Lopez, Louis Souchon, etc...) sans vraiment rechercher les "donneurs d'ordre (chefs de l'exécutif, ministres, hauts-fonctionnaires, etc)

L'affaire Ben Barka, restera le symbole:

* de la politique clientéliste franco-africaine (la fameuse France-Afrique symbolisée par Foccart);
* des années de plomb sous le roi Hassan II, a longtemps gelé les relations franco-marocaines.
* des dysfonctionnements graves des pouvoirs Executif, judiciaire et médiatique, tant en France qu'au Maroc.


* Mohammed Mossadegh (Iran) :
Mohammad Mossadegh (en persan : محمد مصدق) est un homme politique iranien né en 1882 à Téhéran et mort le 5 mars 1967 à Ahmadabad. Il a été Premier ministre de l'Iran de 1951 à 1953. Connu pour avoir nationalisé l’industrie pétrolière iranienne en 1951, il reste, dans de nombreux pays, un symbole de l’anti-impérialisme.
Opposé à l’avènement de la dynastie Pahlavi et au couronnement de Reza Chah, il s’écarte de la vie politique jusqu’à l’éviction de ce dernier en 1941 au profit de son fils Mohammad Reza Chah. Il revient alors à la vie politique et sera successivement ministre des finances, gouverneur de la province d’Azerbaïdjan, ministre des affaires étrangères et premier ministre. C’est alors qu’il joue un rôle crucial dans la nationalisation de l’industrie pétrolière en Iran.

Renversé en 1953 suite à l’opération Ajax et condamné à trois ans d’emprisonnement, il sera ensuite assigné à résidence dans son village ancestral d’Ahmadabad où il décèdera en 1967. Les autorités, refusant d’exaucer ses dernières volontés, n’autoriseront pas son inhumation près de la tombe des martyrs du 30 Tir et il sera enterré sous la salle à manger de sa propriété familiale.

* Patrice Lumumba (Congo) :
Patrice Émery Lumumba, « le verbe », comme disait de lui Aimé Césaire, fut le premier homme à occuper le poste de Premier ministre du Congo (Léopoldville) entre juin et septembre 1960. Né le 2 juillet 1925 à Onalua (territoire de Katako-Kombe au Sankuru) au Congo belge (actuelle République démocratique du Congo), il est assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga.

Il est une figure de l'indépendance, et aussi, à tort ou à raison, d'une tentative de rapprochement du Congo vers le bloc soviétique dans les années 1960.

À la surprise générale, la Belgique accorde au Congo l'indépendance qui est fixée au 30 juin 1960. Lors de la cérémonie d'accession à l'indépendance du pays, le 30 juin 1960, il prononce un discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885.
Au lieu de s'adresser au roi présent à la cérémonie, Lumumba commença son allocution par une salutation "aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l'indépendance..." Son discours proclamait vivement que l'indépendance marquait la fin de l'exploitation et de la discrimination, le début d'une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés.
Suite à un coup d'État, Joseph Désiré Mobutu prend le pouvoir, crée le Collège des Commissaires généraux et assigne à résidence les dirigeants congolais. En décembre 1960, Lumumba s'échappe de la capitale pour tenter de gagner Stanleyville, région où il a de nombreux partisans. Il est arrêté alors qu'il passait la Sankuru à Mweka et il est transféré au camp militaire de Thysville sur ordre de Mobutu. Leur transfert fut un moment envisagé au fort de Shinkakasa à Boma.

Le 17 janvier 1961, Lumumba, Mpolo et Okito sont conduits par avion à Elisabethville, au Katanga, et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison sous escorte militaire où ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi les Belges Gat et Vercheure.[1] Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge. Mais, des documents secrets officiels belges, maintenant déclassifiés, dont la lecture ne laisse pas de doutes sur le fait que c’est bien la Belgique qui porte la plus grande responsabilité dans l’assassinat de Lumumba. Le comte Harold d’Aspremont Lynden, ministre belge des Affaires africaines et proche du roi Baudouin, n’écrivait-il pas le 5 octobre 1960 que l’objectif principal à poursuivre dans l’intérêt du Congo, du Katanga et de la Belgique est évidemment l’élimination définitive de Lumumba ? Ce sont des Belges, précise De Witte, qui ont dirigé toute l’opération du transfert de Lumumba au Katanga, jusqu’à sa disparition et celle de son corps. La Belgique était en effet le seul pays à avoir reconnu le Katanga comme état indépendant et sa petite armée était dirigée par des officiers belges. Le lendemain, une opération sera menée par des agents secrets belges pour faire disparaître dans l'acide les restes des victimes découpées auparavant en morceaux. Plusieurs de ses partisans seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires, ou mercenaires belges.
Lumumba fut très regretté après sa mort par toute la communauté des pays non-alignés, y compris par un de ses bourreaux, le général Mobutu qui le consacra héros national en 1966. Le retour d'Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants fut considéré comme un événement national.

Le jour de sa mort, le 17 janvier, est un jour férié au Congo-Kinshasa.

L'action des anciens colonisateurs en pleine guerre froide

On s’est beaucoup interrogé sur le rôle des puissances occidentales, des États-Unis en particulier dans la mort de Lumumba, sous le prétexte qu'il faisait craindre une dérive du Congo belge vers l'URSS. En effet Lumumba fit appel aux Soviétiques lors de la guerre du Katanga car l'ONU ne répondit pas à ses demandes d'aide militaire pour mettre fin à la guerre civile.

Les États-Unis et la Belgique sont en grande partie responsables de la mort de Lumumba. Les États-Unis de Kennedy voulaient l’éliminer pour éviter un basculement du géant africain dans le communisme et la Belgique voyait en lui et ses thèses d’indépendance économique une menace pour ses intérêts économiques notamment dans le secteur minier. Ces deux pays ont soutenu l’effort de guerre de Mobutu contre les Maï-Maï. Les mercenaires belges ont fait l’opération Omegang pour écraser la résistance Maï-Maï au Kivu. Le meurtre de Lumumba a été élucidé par la justice belge sous l’impulsion de François Lumumba qui a porté plainte contre X, et du sociologue belge Ludo de Witte.

Le gouvernement belge a reconnu en 2002, une responsabilité dans les évènements qui avaient conduit à la mort de Lumumba :

À la lumière des critères appliqués aujourd'hui, certains membres du gouvernement d'alors et certains acteurs belges de l'époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu'il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité.

Salvator Allende (Chili) :
Salvador Allende Gossens (1908 - 11 septembre 1973) a été président du Chili du 4 novembre 1970 au 11 septembre 1973. Il n'a pas pu terminer son mandat présidentiel, qui devait durer jusqu'en 1976. En effet, le coup d'État du 11 septembre 1973 renverse son gouvernement et met en place le régime militaire.

Le programme de l'Unité populaire

Pour les dirigeants du Parti radical, le programme est le suivant : « Seulement en dehors du système capitaliste se trouve la possibilité d'une solution pour la classe travailleuse ». Il faut aussi rajouter ceci,« Le Parti radical est socialiste et sa lutte est dirigée en vue de la construction d'une société socialiste ». Enfin, « Nous acceptons le matérialisme historique et l'idée de la lutte des classes comme moyen pour interpréter l'histoire ».

(Déclaration approuvée lors le la 25e Convention nationale du Parti Radical en 1971).

Pour le Parti socialiste :

« La violence révolutionnaire est inévitable et légitime. Elle est le résultat nécessaire du caractère violent et répressif de l'État-classe. Elle constitue l'unique chemin qui mène à la prise du pouvoir politique et économique et à sa défense » De plus « Il est possible pour le gouvernement de détruire les bases du système capitaliste de production. En créant et en élargissant l'aire de propriété sociale aux dépens des entreprises capitalistes et de la bourgeoisie monopolistique, nous pourrons leur faire quitter le pouvoir économique » ; et « L'État bourgeois au Chili ne peut servir de base au socialisme, il est nécessaire de le détruire. Pour construire le socialisme, les travailleurs chiliens doivent dominer la classe moyenne pour s'emparer du pouvoir total et exproprier graduellement tout le capital privé. C'est ce qui s'appelle la dictature du prolétariat. » (Convention de Chillán de 1967).

Salvador Allende confirme lui-même cette vision politique dans un entretien avec Régis Debray où il déclare que la signature du pacte de respect de la constitution n'est qu'une concession tactique.

Sa mort :
* La thèse officielle qui sera reconnue par la famille après avoir eu accès aux archives de l'État est celle du suicide. Cette version a été confirmée par le témoignage oculaire d'un de ses médecins.
* Beaucoup de marxistes, dans le feu des déclarations immédiates de Fidel Castro ont accusé les assiégeants d'avoir tué Salvador Allende. Plus récemment, certains auteurs, se basant sur documents déclassifiés par la CIA, ont mis en question cette version et privilégient maintenant l’hypothèse d’un assassinat, notamment depuis la publication d’un rapport du Sénat Américain pour lequel, selon une communication interne envoyée depuis le siège de la CIA à ses agents à Santiago, l’instruction d’envisager la possibilité d’un assassinat suivie d’une histoire de suicide pour le masquer aurait été envisagé.
* Selon une version anecdotique, il aurait été assassiné par ses gardes du corps cubains alors qu'il s'apprétait à se rendre. Cet asssassinat aurait été ordonné par Fidel Castro.

Rôle des États-Unis dans le coup d'État

Les États-Unis ont impulsé depuis plusieurs décennies une politique d'endiguement face aux visées subversives, révolutionnaires ou terroristes des mouvements marxistes, du KGB et à présent de Cuba, en Amérique Latine. La Guerre froide dans ce continent où les États-Unis ont une forte influence prend la forme d'infiltrations, de subversions, d'attentats, de terrorisme de masse, de guérillas, de coup d’État, de dictatures militaires et de dénoyautages.

Le gouvernement américain est alarmé de la situation politique chilienne sous Salvador Allende, qui rassemble toutes les caractéristiques d'une marche vers un totalitarisme communiste, selon une orchestration ayant des pans officiels et des pans occultes : marche forcée vers le socialisme recourant à des violations de la constitution chilienne, infiltration politique des forces de l'ordre, terrorisme marxiste, entrelacement avec les forces militaires castristes. Salavador Allende, développant une amitié étroite avec Fidel Castro, se dotant d'une garde rapprochée composée de forces spéciales cubaines et multipliant les références sociales à la République démocratique allemande semble indiquer, ou fait craindre qu'il transforme en quelques années le Chili en dictature de modèle castriste, ce que pouvait également laisser supposer la plate-forme politique du parti socialiste chilien, reposant sur une dialectique et un phrasé violemment marxistes, adoptée lors du Congrès de Chilan en 1967. Durant trois ans, le gouvernement états-unien tente de limiter les réformes de Salvador Allende notamment la réforme agraire et la nationalisation des entreprises.

La nature de l'intervention des États-Unis dans le coup d’État qui déposa Salvador Allende demeure sujet à débats. On sait que les États-Unis ont joué un rôle dans la politique chilienne avant le coup d'État, mais leur degré de participation dans le coup d’État en lui-même est discuté.

Les documents récemment déclassés tendent à montrer que le gouvernement des États-Unis et la CIA avaient cherché à renverser Salvador Allende en 1970, juste avant qu'il ne soit élu (« Project FUBELT »), en provoquant l'incident qui ôta la vie au Commandant en Chef d’alors, le Général René Schneider, mais les accusations de leur participation directe dans le coup d’État de 1973 ne sont pas attestées par la documentation officielle accessible au public ; de nombreux documents potentiellement pertinents demeurent toujours classifiés.

En 1975, la Commission Church, dont le but est d'éclaircir la question des abus des agences de renseignements américaines, s'interroge notamment sur l'implication d'Henry Kissinger. Si ce dernier nie une participation directe au coup d’État, il reconnaît toutefois le soutien des États-Unis aux partis d'opposition à Salvador Allende.

La CIA a été informée par ses contacts chiliens de l’imminence de ce coup d’État pendant les deux jours qui l’ont précédé, mais conteste « avoir joué quelque rôle direct que ce soit dans » le coup d’État.

Après que Pinochet a pris le pouvoir, le Secrétaire d'État américain Henry Kissinger aurait dit au président Richard Nixon que les États-Unis « ne l’ont pas fait » (se rapportant au coup d’État lui-même) mais qu’ils ont « créé les meilleures conditions possibles », y compris en menant des sanctions économiques.

Ernesto Che Guevara (Bolivie, Cuba) :

Ernesto Rafael Guevara de la Serna (né le 14 juin 1928 à Rosario, Argentine, et exécuté le 9 octobre 1967 à La Higuera, Bolivie), plus connu sous le nom de Che Guevara ou Le Che, est un révolutionnaire marxiste et homme politique d'Amérique latine, dirigeant de la guérilla internationaliste cubaine.

Alors qu'il est jeune étudiant en médecine, Guevara voyage à travers l'Amérique latine, ce qui le met en contact direct avec la pauvreté, dans laquelle beaucoup de gens vivent alors. Son expérience et ses observations pendant ces voyages l'amènent à la conclusion que les inégalités socio-économiques ne peuvent être changées que par la révolution. Il décide alors d'intensifier son étude du marxisme et de voyager au Guatemala afin d'apprendre des réformes entreprises par le président Jacobo Arbenz Guzmán, renversé quelques mois plus tard par un coup d’État appuyé par la CIA. Peu après, Guevara rejoint le mouvement du 26 juillet, un groupe révolutionnaire dirigé par Fidel Castro. Après plus de deux ans de guérilla où Guevara devient commandant, ce groupe prend le pouvoir à Cuba en renversant le dictateur Fulgencio Batista en 1959.

Dans les mois qui suivent, Guevara est désigné procureur d'un tribunal révolutionnaire qui exécute plus d'une centaine de policiers et militaires du régime précédent jugés coupables de crimes de guerre, puis il crée des camps de travail et de rééducation. Il occupe ensuite plusieurs postes importants dans le gouvernement cubain qui écarte les démocrates, réussissant à influencer le passage de Cuba à une économie socialiste intégrée politiquement dans le bloc communiste et échouant dans l'industrialisation du pays en tant que ministre. Guevara écrit pendant ce temps plusieurs ouvrages théoriques sur la révolution et la guérilla.

En 1965, après avoir dénoncé l'exploitation du tiers monde par les deux blocs de la guerre froide, il disparaît de la vie politique et quitte Cuba avec l'intention d'étendre la révolution. D'abord au Congo-Léopoldville, sans succès, puis en Bolivie où il est capturé et exécuté sommairement par l'armée bolivienne entraînée et guidée par la CIA.

Après sa mort, Che Guevara est devenu une icône pour les mouvements révolutionnaires marxistes du monde entier, mais demeure toujours l'objet de controverses entre historiens, notamment à cause de témoignages sur des possibles exécutions d'innocents.

PS : les éléments biographiques ont été extraits d'articles wikipedia.fr, après vérification de leur contenu.

(cet article constitue une ébauche à compléter)

mercredi 16 janvier 2008

Por que no te callas ?

"Por que no te callas ?" ("pourquoi tu ne la boucles pas ?"). Croyez-vous que ces propos calomnieux soient adressés par un ivrogne, par un fou ? non ! ces propos sont du Roi d'Espagne, Juan Carlos de Borbon. A l'occasion du dernier sommet ibérico-sud américain. Dans un registre plus polissé, face aux attaques légitimes contre le néo-impérialisme espagnol, José Luis Zapatero, premeier ministre espagnol en exercice, a lui défendu José Maria Aznar, ex-premier ministre de l'Espagne. Alors même que ce dernier est un franquiste convaincu, anti-homosexuel. Alors même que Juan Carlos ne peut se targuer d'aucune forme de résistance anti-franquiste. Il a , par le passé, écouté respectueusement les discours du dictateur Franco. Jamais il n'a quitté le balcon, la salle; jamais il n'a émis la moindre remarque. Que survienne un président progresssiste au Vénézuela, et celui-ci est voué aux gémonies. Son crime : avoir radicalement changé le système de répartition des richesses nationales. Ce qui a grandement profité au peuple vénézuélien. Elections libres, partis d'opposition virulents, médias libres. Tout cela inquiète nos leaders occidentaux. "Un otro mundo es possible", "Nuestro Norte es el Sur" : quels germes inquiétants pour les chantres du capitalisme financiarisé. Il faut dire que tous ces gens profite bien de ce système profondément injuste, générateur de précarité sociale/financière/psychologique, méprisant envers les couches populaires. Comme dit Hugo Chavez Frias, nous assistons à une lutte mondiale entre la vision capitaliste, matérialiste et le (les) vision(s) socialiste(s). Les capitalistes disposent de forces puissantes. Ils sont arrogant : "por que no te callas", en plein sommet international, parce qu'un président ose critiquer le système néo-impérialiste, ose rapeller les crimes commis par l'Espagne en Amérique Centrale et du Sud depuis 1492. Comment l'Espagne a-t'elle pu fêter en grandes pompes la pseudo-découverte de l'Amérique du Sud par Critobal Colomb ? quel mépris pour toutes les victimes de la politique espagnole.
"Pourquoi ces hystériques du capitalisme ne la bouclent ils pas, eux" ? non, plus sérieusement, qu'ils respectent un président élu dans de bonnes conditions, qui est revenu devant les électeurs pas moins de 6 fois en 10 ans ; notamment suite à l'adoption en 2000 par une Assemblée Constituante (une véritable Assemblée Constituante, pas le collège de cooptés qui a rédigé le TCE) d'une toute nouvelle constitution, dite bolivarienne (en hommage au grand leader Simon Bolivar). Un homme, avec des défauts, qui a permis aux plus pauvres vénézueliens un accès à la santé (programme "barrio adentro" en collaboration avec Cuba), à l'éducation, aux produits de première nécessité. Qui a nationalisé l'extraction du pétrole lourd (pourquoi continuer à accepter que les ressources du pays tombent dans la poche de multinationales prédatrices ? il en va de même en Bolivie). Qui a proposé à des américains (sous conditions de ressources ) du fuel à prix coûtant pendant l'hiver (ce que fit hurler les ultra-conservateurs US). Qui ne ménage pas ses efforts pour raviver sinon l'unité sud-américaine, en tout cas la solidarité entre pays du continent (cf la mise en œuvre de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), ainsi que la "contre-CNN" Telesur). Qui a édicté une loi protégeant les petits pêcheurs des ravages des gros chalutiers, leur permettant ainsi de renouer avec une activité rémunératrice et de sortir de la paupérisation dans laquelle la droite vénézuelienne les avait plongé sans vergogne. Qui encourage les initiatives collectives locales, notamment la création de coopératives agricoles locales avant l'arrivée au pouvoir de Chavez, le Vénézuela importait 70% de sa nourriture, alors qu'au même moment 70% des terres agricoles étaient laissées en friche, aux mains d'une puissante oligarchie). Qu'il subsiste un fort taux de corruption , qui le niera ? mais, peut-on demander à Hugo Chavez qu'il se dote des pouvoirs de Superman et Harry Potter combinés ? la dernière campagne référendaire s'est soldée par un échec pour le Président. Une réforme mal préparée, inadaptée, mal expliquée car mal née. Cela retarde malheureusement la progression vers une société socialiste, la première à une échelle nationale depuis la naissance de l'utopie socialiste.

jeudi 10 janvier 2008

Hugo CHAVEZ dictateur ?

Que ne lit-on pas dans une certaine presse, que n'entendons pas sur certaines ondes (cf Alexandre ADLER lors de se chroniques quotidiennes dans "Les matins de France Culture") à propos du président vénézuelien Hugo Chavez ? une salve de propos calomnieux, une hire propre aux revanchards de la droite idiote et méprisante.
A l'opposé du spectre politique, j'attends toujours de lire un article un tant soit peu critique dans le Monde Diplomatique. Ce mensuel, par ailleurs fort intéressant, fait preuve d'un aveuglement surprenant au sujet du Vénézuela "bolivarien". Jamais le lecteur attentif ne pourra déceler la moindre critique de la politique menée par le leader sud-américain. Une voie médiane ne pourrait donc pas se faire jour à propos du très controversé H. Chavez ?
Hugo Chavez n'a jamais hésité à remettre son mandat en jeu : suite à l'adoption de la constitution bolivarienne, il a décidé que cette constitution changeant radicalement les règles du jeu, il devait retourner devant les électeurs. Avec près de 60% des votes en sa faveur, on peut parler d'un net soutien populaire (il avait recueilli 56 des suffrages lors de sa premièe élection en 1998). Il a du faire face à un référendum révocatoire à mi-mandat en 2004, l'opposition ne supportant plus les réformes chavistes. Près de 59% des électeurs ayant voté ont refusé que leur Président soit révoqué. Un beau pied de nez à Pedro Carmona et des accolytes qui avaient déjà fomenté un coup d'Etat en avril 2002 (ce fut un échec, même si ce Président auto-proclamé avait violé la Constitution et toutes les règles démocratiques en vigueur. Il avait très tôt reçu le soutien de Madrid et Washington qui s'étaient empressés de reconnaître l'usurpateur). En 2006, il se représente à l'élection présidentielle et obtient 63% des suffrages. La presse est à peu près aussi libre que dans les pays occidentaux (il y a donc des progrès à faire, mais comment nos gouvernants peuvent ils prétendre que la situation de presse au Vénézuela serait de type castriste ?). Les élections ne sont ni moins ni plus démocratiques que dans les pays occidentaux moralisateurs (mon idéal de démocratie étant assez éloigné de la réalité actuelle, ne serait-ce qu'en France, je ne peux que dire "ni plus ni moins démocratiques". J'aurais pu dire "niveau équivalent de démocratie des pays occidentaux, cela ne change rien au fait que le système chaviste n'est ni une oligarchie ni un totalitarisme en devenir. Qu'on se rappelle le récent soutien de N. Sarkozy à l'autocrate Poutine).


(ébauche à compléter)

lundi 7 janvier 2008

Collectif de Gauche, Alternatif et Citoyen de Plaisance du Touch, Haute-Garonne


Collectif de Gauche,
Alternatif et Citoyen

Plaisance du Touch, Haute-Garonne



de manière à être en totale conformité avec la loi électorale en vigueur dans ce pays (???), le collectif m'a demandé que le message qui appelait à se réunir à Plaisance du Touch le 17.1 soit retiré momentanément de mon blog. La réunion du 17.1 a été également reportée pour les mêmes raisons. Je m'en étonne compte-tenu du fait que dans d'autres villes, la campagne a débuté depuis quelques semaines, que le samedi 19 janvier, des militants de Présence du Touch distribuaient des tracs sur le marché pour leur liste prétendumment a-politique (comme si s'occuper des affaires de la Cité n'était pas un continuum de positionnement et d'actions politiques. On croit rêver). De notre côté, nous sommes dans un état d'impréparation inquiétant (établissement d'une liste complète, mise en place d'un programme détaillé, édition de tracts, programmation de réunions publiques, etc ...). Ce qui m'étonne de la part des militants chevronnés formant la cheville ouvrière du collectif plaisançois. L'objectif de la réunion ainsi que le texte qui appelait à se réunir ont ensuite été modifié par ces derniers sans que les autres membres en soient informés (que les membres les plus actifs du collectif se fassent des réunions entre eux, soit, mais pas d'escamotage de débats. Le dynamisme des membres actifs est tout à leur honneur, moi qui ne suis qu'un observateur attentif). Je me permets de regretter la démarche qui me semble peu compatible avec ma vision quasi-mendésiste de "faire" de la politique. Mais sans doute mon manque d'engagement concret ne m'autorise t'il pas à une quelconque critique.
Une
réunion s'est donc tenue le 23 janvier avec comme "guest star", l'économiste toulousainne Geneviève AZAM (membre du conseil scientifique d'ATTAC). Etant en déplacement professionnel, je n'ai pu y assister et établir un mini compte-rendu factuel. Un mini CR a été établi par des membres du collectif : il est disponible sur le blog du collectif : http://collectif-citoyen-plaisance.over-blog.com/

Les choix politiques et économiques contribuent-ils à la dégradation de notre qualité de vie ?


L’aspiration à une meilleure qualité de vie a conduit dans les années passées des milliers de familles à s’installer dans les communes de la périphérie toulousaine, dont Plaisance du Touch.

Aujourd’hui, les habitants de Plaisance du Touch et des autres communes constatent que dans beaucoup de domaines cette qualité de vie se dégrade : saturation des voies de circulation, équipements collectifs insuffisants et environnement menacé.

Les choix politiques et économiques contribuent-ils à la dégradation de notre qualité de vie ?

Cette question, nous la poserons à madame Geneviève AZAM, professeur d’économie, lors de la réunion publique d’informations que le Collectif de gauche, alternatif et citoyen organise le 23 janvier 2008, à 20h30 à la salle du Pigeonnier.

Plaisançois et Plaisançoises, vous voterez en mars prochain pour élire une nouvelle équipe municipale.

Venez vous informer,

Mercredi 23 janvier 2008
Salle du Pigeonnier de Campagne
de Plaisance du Touch

avec la participation de Geneviève AZAM professeur d'économie

dimanche 6 janvier 2008

De la démocratie aux Etats-Unis d'Amérique (et ailleurs)

Nombre d'analystes ou prétendus experts politiques persistent à décerner aux Etats-Unis d'Amérique (E.U.Am) le brevet de "démocratie la plus avancée du monde". Ont-ils un jour analysé en détail le déroulement d'une campagne électorale outre-Atlantique ? ou ne seraient-ils pas plutôt atteints de cécité sélective (leurs indignations l'étant tout autant) ?
Le système, complexe, des primaires présidentielles serait un exemple de démocratie participative . Oserais-je rappeler qu'il ne concerne que le parti démocrate et le parti républicain (dans un système bi-partiste bien verrouillé); par ailleurs, peut-on parler de démocratie quand seuls deux partis ont un réel accès aux électeurs ? L'inénarrable JM Colombani entendait ainsi claquer le beignet aux rabats-joie qui osent critiquer les E.U.Am. à l'occasion de son émission hebdomadaire du 5.1.2007 sur les ondes de la toujours plus droitisante et partisanne que jamais France Culture.
Les exégètes politiques, journalistes, etc, ... ne cessent de parler des caucus de l'Iowa et du New Hampshire (les caucus du Wyoming s'intercalent entre ces deux consultations, mais n'ont pas droit à la sur-exposition médiatique ...). Alors même qu'à eux-deux, ils ne représentent qu'environ 1.5% de la population américaine (source gouvernementale : www.census.gov), tout en sur-représentant l'électorat blanc évangéliste, raciste et anti-sémite. Tel ou telle aurait perdu toutes ses chances suite à un double échec lors des 2 premières primaires. En Iowa, 12% des électeurs se sont déplacés pour voter. Mr Obbbama a recueilli 37% des votes. ramené au total de la population en âge de voter aux E.U.AM cela donne 0,037% du corps électoral total ... comment peut-on oser tirer des conclusions quand si peu d'électeurs ont apporté leur soutien ? les horaires mêmes auxquels se déroulaient les caucus d'Iowa ne permettaient pas à tous de participer. Un minimum d'honnêteté impose à quiconque aurait la prétention de se livrer à une quelconque analyse ce ces primaires, d'attendre le Super Tuesday (le 5 février 2008). Ce jour-là, 21 Etats organisent les primaires. Une réforme démocratique conduirait à organiser les primaires le même jour dans tous les Etats. Ce que ne veut surtout pas l'administration du New Hampshire, qui, dans un accès de furie, a imposé un oukase : tout candidat désirant faire campagne dans cet Etat devait s'engager à ne pas réformer le systèmes des primaires, et conserver le calendrier qui donne une exposition médiatique sur-dimensionnée à cet Etat. Amis de la démocratie américaine bonsoir ...


Post Scriptum 1 : l'internaute anglophone pourra lire un article du Guardian "

The myth of fair elections in America

Post Scriptum 2 : de l'intérêt de jeter un coup d'oeil dans le rétroviseur de l'Histoire (toujours pour ceux qui maîtrisent un minimum la langue anglaise); On lira avec intérêt une analyse des résultats des élections présidentielles américaines de 2004, avec une cartographie montrant que si l'on représente les Etats (ou les Comtés) en fonction, non plus de leur superficie en km2, mais de leurs populations respectives, la carte bleue/rouge (vote Démocrate/vote Républicain) qui nous est habituellement présentée prend une toute autre allure. Et amène à de toute autre analyse du vote .... De la nécessité impérieuse d'analyser tout chiffre avec précaution et esprit critique aiguisé
Mark Newman, Univ. Michigan, http://www-personal.umich.edu/~mejn/election/
Méthode Gastner & Newman : http://www.pnas.org/cgi/content/abstract/101/20/7499

Les 5 poèmes de Nezami

Les Cinq Poèmes de Nezâmî
(tout le texte qui suit et les photos sont issus du site de la Bibliothèque Nationale de France consacré à l'exposition 'Splendeurs persannes').

Un chef-d’œuvre de la littérature persane du Moyen Age calligraphié et illustré au XVIIe siècle Nezâmî (1141-1209) est le grand maître du roman en vers. Ses Cinq Poèmes (Khamseh), constituent un modèle pour les poètes des siècles suivants et donnent lieu à un nombre considérable de copies, somptueusement illustrées à la demande de princes mécènes dans leurs ateliers-bibliothèques. Ils rassemblent cinq masnavis, poèmes didactiques dont les vers ont tous la même structure et riment deux à deux. Hormis le Trésor des mystères, d’inspiration mystique, il s’agit de romans dont les sujets sont empruntés à la légende ou à l’histoire : Khosrow et Chîrîn relate les amours du roi sassanide Khosrow Parviz, Leïli et Madjnoun reprend une vieille légende arabe dont le sujet est l'«amour fou », les Sept Portraits enserrent les récits faits par les sept favorites du roi Bahrâm Gour ; enfin, le Livre d’Alexandre glorifie le conquérant macédonien, mais aussi le sage et le prophète. Familiarisé dans sa jeunesse avec la littérature arabe d’adab (ensemble des connaissances nécessaires à tout homme cultivé), Nezâmî a su puiser à de multiples sources : littéraires, philosophiques et scientifiques.


La Bibliothèque nationale de France possède des manuscrits du XVe siècle et un manuscrit réalisé entre 1620 et 1624 sous le règne d’Abbas le Grand, soit cinq siècles après l'écriture des poèmes. Il comporte 34 peintures. Sa reliure en cuir aux plats laqués est un modèle des reliures persanes de l’époque.

Les Cinq Poèmes de Nezâmî



Chîrîn vient voir Farhâd, détails

Une référence de la littérature persane

Les Cinq Poèmes ou Cinq Trésors de Nezâmî sont parmi les textes les plus célèbres de la littérature persane médiévale. Copiés un nombre de fois considérable, ils sont tout ensemble un modèle à imiter pour les poètes, un recueil des récits les plus populaires du folklore médiéval et le conservatoire d’un enseignement philosophique et moral correspondant à l’attente des élites musulmanes de culture persane. On apprenait et citait bien volontiers de longs passages des poèmes de Nezâmî.


De nombreuse copies enluminées

Avec le Livre des Rois de Ferdowsi, c’est aussi l’une des collections de textes de la littérature persane qui ont le plus donné lieu à la réalisation de copies manuscrites ornées de peintures. Un très riche cycle iconographique s’est ainsi constitué et certaines scènes, devenues extrêmement populaires, ont été très volontiers reproduites, même en dehors de leur contexte : il suffit d’évoquer la scène de Madjnoun au désert ou les rencontres de Farhâd et Chîrîn.


Dans une étude sur les peintures illustrant les manuscrits de Nezâmî, Larissa N. Dodhudoeva a dressé une liste des différentes copies enluminées des Cinq Poèmes et a pu recenser et étudier 245 manuscrits à peintures de différentes époques. Certains d’entre eux comptent jusqu’à 50 peintures.


Le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France

Parmi les manuscrits enluminés des Cinq Poèmes de la collection parisienne, le manuscrit Supplément persan 1029 de la Bibliothèque nationale de France, réalisé entre 1620 et 1624 par des artistes formés à la cour d’Ispahan est l’une des œuvres majeures de l’école safavide du XVIIe siècle.

Il a été acquis par la Bibliothèque en 1877 au moment de la vente de la bibliothèque de J.-B. Nicolas, ancien secrétaire interprète français du Châh de Perse.


Pour en savoir plus sur Les cinq Trésors de Nezâmî :

Un livre
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, chef-d’œuvre persan du XVIIe siècle
par Francis Richard, co-édition Anthèse/Bibliothèque nationale de France.

Un cassette vidéo
Les Jardins du Paradis, un film d’Alain Jaubert. Une vidéo cassette SECAM de 30 mn.
co-édition La Sept-Arte/BnF/musée du Louvre /Palette production.

Sous le règne d'Abbas le Grand (1588-1629)


Abbas le Grand et un échanson

Le manuscrit Supplément persan 1029 est l’un des plus beaux livres enluminés réalisés durant le règne du roi de Perse ‘Abbâs Ier «le Grand ». Celui-ci était le cinquième souverain de la dynastie des Safavides, maîtres de la Perse depuis 1501.


Un contemporain d’Henri IV

‘Abbâs le Grand, contemporain de Henri IV et du début du règne de Louis XIII, est considéré comme le plus remarquable des Châhs safavides. Il fit de judicieuses réformes, fut victorieux en de multiples rencontres et instaura une période de prospérité économique, de telle façon que son royaume fut en mesure de connaître ensuite une paix durable.


‘Abbâs passait la plus grande partie de son temps à se déplacer d’un bout à l’autre de la Perse, chassant et guerroyant; il allait escorté de sa cour, de résidence en résidence.



Khosrow se rend au château de Chîrîn

Un prince conquérant

A la mort d’‘Abbâs, la Perse avait pris de vastes territoires à ses belliqueux voisins. Elle s’était surtout ouvert un accès vers la mer et les réformes du Châh ‘Abbâs dans différents domaines sont restées célèbres et ont durablement marqué l’imagination des Persans.

Il s’attacha à rendre plus sûres les grandes voies de communication ; des gardes assuraient la sécurité des caravanes ; des caravansérails étaient créés, agrandis ou restaurés à tous les lieux d’étapes ; on veillait à ce que les étrangers voyagent sans encombre et à ce que les taxes restent modiques. Dans le même temps ‘Abbâs tentait d’établir l’unité religieuse de son royaume grâce au concours des plus grands théologiens de l’islam chiite. Il avait cependant, à l’occasion des guerres d’Azerbaïdjan de 1604, fait déporter à Ispahan une grande partie de la population chrétienne de l’Arménie persane en permettant à ces Arméniens de garder leur religion ; son génie politique avait vu le parti qu’il pourrait en tirer. Il leur prêta de l’argent et les plus industrieux d’entre eux purent ainsi mettre sur pied le commerce de la soie de Perse à travers le monde entier.


Un règne de prospérité et de stabilité

De telles initiatives, ainsi que le transfert en 1598 de la capitale à Ispahan – une ville située sur les grandes voies de communication, au centre du royaume -, corrélativement à l’abandon des anciennes capitales de Tabriz et de Qazvin, étaient en mesure d’établir la prospérité de la Perse sur des bases solides.

Plaque tournante du commerce vers la Turquie et l’Europe, la Russie, l’Inde et l’Extrême-Orient, Ispahan deviendra au milieu du XVIIe siècle, au dire des voyageurs européens enthousiastes, l’une des deux plus grandes villes du monde, rivalisant avec Londres.


Fin politique, ‘Abbâs le Grand a su donner à la Perse une certaine prospérité et une indéniable stabilité. Son règne marque un tournant dans l’histoire persane. La dynastie safavide durera encore un siècle et son déclin commence une cinquantaine d’années après la mort de ce Châh dont la légende s’est plue à embellir la figure.

Le prince mécène
Dans le monde iranien, la tradition voulait qu’un prince fût lettré et collectionneur de livres. Le roi a auprès de lui un bibliothécaire (ketâbdâr en persan) qui a la charge d’administrer son atelier-bibliothèque.


La bibliothèque d'un prince lettré

Cette bibliothèque se compose en principe de copies anciennes, généralement un certain nombre de somptueux manuscrits enluminés ou d’exemplaires à peintures que le souverain tient de ses ancêtres, ou des princes qu’il a vaincus. Il s’agit parfois de coûteuses acquisitions. Le prince se doit de posséder des copies du Coran, des grands classiques de la poésie persane (parmi lesquels outre le Livre des Rois de Ferdowsi se trouvant les Cinq Trésors de Nezâmî et bien d’autres textes), des grands ouvrages historiques et des chroniques, des traités scientifiques et des textes mystiques ou moraux. Il possède souvent plusieurs exemplaires enluminés du même texte, peints à différentes époques ou dans différents styles. Le bibliothécaire a par ailleurs la charge de faire réaliser par des artistes employés dans l’atelier-bibliothèque – calligraphes, relieurs, enlumineurs ou doreur, et peintres – de nouvelles copies de ces textes qui soient dans le goût du temps, c’est-à-dire dans le style qu’affectionne le souverain, ou de faire des répliques de manuscrits célèbres capables de rivaliser avec ces grands modèles.


La mort de Majnuông

La bibliothèque princière sert de référence et de modèle.

Le mécénat d’un sultan passionné de beaux livres – comme ce fut le cas au XVe siècle à Hérât sous les Timourides, prédécesseurs des Safavides jusqu’à la prise de la ville en 1506 par les Uzbeks – a un rayonnement considérable : tous les grands veulent avoir leur bibliothèque, on commande de beaux manuscrits et on échange les exemplaires de luxe à l’occasion de cadeaux officiels.

Toghril Châh fait venir Nezâmî

Paradoxalement, Châh ‘Abbâs, bien que né et élevé dans l’ancienne capitale timouride de Hérât, où des ateliers continuaient à fonctionner, n’était pas lui-même un collectionneur acharné de manuscrits. Amateur de calligraphie, de tableaux isolés ou de peintures murales, il aimait les miniatures séparées que l’on pouvait ensuite réunir en albums.


Aussi est-il probable que le commanditaire du manuscrit ne soit pas le souverain de Perse mais le gouverneur de la province de Nasâ, Mohebb Ali Soltân.

Khosrow et Chîrîn

Se rattachant au genre de l’épopée romanesque, le deuxième poème Nezâmî, riche de 6.500 distiques, ne prétend pas être un récit fidèle du règne du souverain sassanide Chosroès II Parvîz, dont le règne commence en 590.

C’est en fait l’intrigue nouée avec Chîrîn – troublé tour à tour par l’irruption de deux rivales, la princesse byzantine Maryam et la belle Chakkar d’Ispahan – qui forme le sujet du poème. Fille de la reine d’Arménie, la Chîrîn de Nezâmî est l’épouse préférée de Khosrow, mais leur union est retardée par d’innombrables obstacles. Par ailleurs, la tragique passion de l’architecte Farhâd pour Chîrîn et son suicide par amour pour elle, objet de nombreux récits populaires, est un épisode qui connaît un succès immense, souvent repris et imité par les poètes persans et turcs.



Khosrow voit Chîrîn près de la source








Khosrow, suivant son habitude, regarda alentour, et son regard, d’un coup, se tourna vers la belle,

L’ayant vue nue un bref instant, il avait peur de regarder ; mais plus il la voyait, plus il en restait coi.

Parée comme la lune, comme jeune épuisée ; mais si c’était la lune, elle était dans les cieux supérieure aux Pléiades.
Ce n’était point la lune, mais c’était vif argent, réplique de la lune que l’on fit à Nakhchâb, fabriquée en mercure.
Et dans l’onde d’azur, elle était une rose qu’un tissu de soie bleue couvrait jusqu’à la taille.
La source était emplie du corps de cette fille, ses membres étaient superbes ; une fleur d’amandier voilait le fruit d’amande.
C’était comme un héron au sein de l’onde bleue, son teint brillait très fort au milieu de cette eau.
Ses boucles éparpillées roulaient sur ses épaules ; c’était comme une rose jetant des violettes.



Les noces de Khosrow et de Chîrîn






Khosrow se mit d’abord à cueillir maintes fleurs ; alors la belle, telle une rose, se mit à rire.

Il commença ensuite à vouloir lui prouver à quel point il l’aimait et il rendit un culte à ses jeunes appâts.

La pomme et le jasmin étaient pleins de saveur ; tantôt ses seins, belles grenades, tantôt ses yeux, charmants narcisses, étaient l’objet de jeux.
Parfois cet oiseau blanc échappait, preste, au roi ; parfois il la prenait, blottie en son giron.
Tantôt d’excès de joie, la colombe restait sans bouger sur son sein.
Cette biche luttait contre le lion royal, mais à la fin ce lion remporta la victoire.



Supplément persan 1029, folio 100
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Khosrow organise une réception au cours d'une chasse
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 58v
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Khosrow tue un lion au lieu du festin
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 90
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Khosrow se rend au château de Chîrîn, la voit et lui parle
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 120v
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Toghril Châh fait venir Nezâmî auprès de lui
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 180v
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Leylî et Madjnoûn

La mort de Madjnoûn au pied du mausolée de Leylî
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 113
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Chîrouyéh tue Khosrow
Ecole safavide, 1620-1624

Supplément persan 1029, folio 74v
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Khosrow et Chîrîn

Chîrîn vient voir Farhâd
Ecole safavide, 1620-1624

Les Sept Portraits


Samedi


Dimanche


Lundi


Mardi


Mercredi


Jeudi


Vendredi


Lundi, détail


Vendredi, détail


Vendredi, détail

Achevé en 1197, ce poème de 4577 distiques est le plus réussi de ceux que composa Nezâmî. Il s’est inspiré des récits entourant la personne de l’empereur Bahrâm V qui régna sur le trône sassanide de 420 à 438.


Après la traditionnelle eulogie du prophète Mahomet, les vers à la louange de Körp-Arslan qui a commandé le poème et les conseils prodigués par Nezâmî à son propre fils Mohammad, l’histoire de Bahrâm commence par une évocation de son enfance à Hira.


Le portrait des sept princesses

Un jour, dans son palais de Khawarnaq, le jeune Bahrâm découvre, dans une salle jusque là fermée, sept magnifiques portraits qui sont ceux de sept princesses, la fille du Radjah d’Inde, celle du Khâqân, souverain d’Asie centrale et de Chine -, celle du roi de Chorasmie, celle du roi des Slaves, celle du roi du Maghreb, celle du César de Byzance et celle du roi d’Iran. On lui prédit alors que toutes lui sont destinées par les astres. Entre temps, le père de Bahrâm meurt et, à la tête de ses troupes, le jeune prince gagne la Perse. Ayant réussi à tuer les deux lions qui gardaient la couronne, il peut s’asseoir sur le trône.


Un pavillon pour chaque jour de la semaine

Après une expédition guerrière, Bahrâm décide de faire venir les sept princesses ; il fait édifier sept pavillons à coupoles. Chacun de ces pavillons correspond à une planète, édifié dans la couleur correspondant à cette planète. Tout l’ouvrage est imprégné d’astrologie. Il y a un pavillon pour chaque jour de la semaine et chacun d’entre eux correspond également à l’une des sept régions (ou « climats ») de la Terre. Tous ces symboles expriment la vision persane de l’Univers : ils sont décrits par Nezâmî avec un art consommé. Plus d’un souverain moyen-oriental, attentif lui aussi aux signes des astres, voudra se faire construire sept palais à l’instar de Bahrâm.


Sept nuits d'amour et de sagesse

La suite du récit évoque un peu, par sa structure, les Mille et une Nuits.

Le samedi, Bahrâm se tient sous la coupole noire, couleur de Saturne, avec l’indienne Fourak, fille du roi du premier climat (fol. 209) ; elle lui conte l’histoire du roi qui avait tout à coup adopté vêtements noirs et conduite austère – long récit dans lequel s’intercalent des récits secondaires – et s’unit à Bahrâm à la fin de son histoire.
Le dimanche (fol. 216) la byzantine Homây, dans le pavillon jaune et or – couleur du Soleil – raconte ce qui advint à un roi d’Irak, à la jeune fille qu’il aimait passionnément et à une vieille femme.
Le lundi (fol. 219v.), jour de la Lune dont le vert est la couleur, Nâz-Parî la Chorasmienne raconte l’histoire du chaste et noble Bechr de Roûm, les aventures de Malîkhâ, et termine par un éloge du vert, « ornement des anges », couleur appropriée aux Hourîs du Paradis.
Le mardi (fol. 223), Mars est lié au rouge, et la slave Nasrine-nouche conte qu’une princesse russe fuyait le mariage, évoque ses prétendants, une forteresse placée sur une montagne et un talisman, puis se donne à Barhâm.
Le mercredi (fol. 227v.), Mercure étant bleu turquoise, Azaryoune la Maghrébine raconte comment le bel égyptien Mâhân s’était enivré, puis, parti avec un compagnon, perdu.
Le jeudi (fol. 233v.), c’est au tour de la chinoise Yaghmâ-nâz de relater sous la coupole de santal – gris étant la couleur de Jupiter – les aventures de deux jeunes gens en voyage, Bien et Mal, leurs disputes et leurs actions contraires.

Le vendredi enfin (fol. 238v.), sous la coupole du blanc de Vénus, la persane Dorostî fait le récit d’une fête où chaque jeune femme raconte une histoire, la première étant celle du maître du jardin que ses jardiniers battent. Ayant tiré enseignement des contes des sept princesses, Bahrâm est ensuite amené à châtier le vizir qui avait été tyrannique en son absence (fol. 248v.), puis il disparaît dans une caverne au cours d’une chasse à l’onagre…








Bahrâm Gour se tient le samedi sous la
coupole noire avec la fille du roi d’Inde







Lorsque Bahrâm devint passionné de plaisir, ses yeux ne purent plus se détacher de la vue de ces sept portraits.
Quittant le samedi le couvent du Chantas, il établit sa tente dans un lieu de noirceur.
Il reprit la direction du palais à coupole de la couleur du musc pour aller saluer la princesse indienne.
Jusqu’à la nuit resta dans les jeux et la joie, fit brûler l’aloès, préparer les parfums.
Quand la nuit, imitant la noire tenue du roi, posa sur la soie blanche manteau de musc obscur,
Le souverain voulut que cette belle idole venue du Cachemire épande le parfum de la brise nocturne,
Et que faisant briller les perles de sa bouche, elle profère quelques mots féminins.
L’homme grisé par ce conte au sujet alléchant sentira le sommeil le gagner tout à fait.






Bahrâm passe le dimanche au pavillon
jaune avec la fille du César de Byzance







Lorsque la belle indienne eut terminé de dire ce conte pour Bahrâm, le roi pour son récit lui fait force louanges ; il la prit dans ses bras et s’endormit heureux.
Lorsque le haut du mont et le flanc de la plaine eurent été remplis d’or par l’aube généreuse.
Ce dimanche, le prince, brillant flambeau du monde, se couvrit d’habits d’or, ressemblant au soleil.
Et semblable à Djamchîd, prit une coupe d’or ; ceignit comme Phébus un couronne d’or brillant de mille feux.
Rose jaune à taille gracieuse, c’était comme ambre à la cire mêlée.
Il distribuait l’or et vint à la coupole ; elle était toute jaune et sa vive gaieté s’en trouva centuplée.
Il fit installer ce qui est nécessaire pour garder bonne humeur, se livra aux plaisirs du vin, de la musique (…)
La jeune épousée grecque, qui semblait par sa grâce porcelaine chinoise, commença à parler : « O toi, maître de Roûm, de Chine et de Tarâz… »







Bahrâm passe le lundi dans le pavillon
vert avec la fille du roi de Chorasmie







Lundi vint et le roi fit porter jusqu’à la lune son grand parasol vert.
Comme un vert luminaire, il brillait, vert sur vert, tel l’ange du jardin.
On porta ses effets jusqu’au pavillon vert ; il y livra son cœur à la joie, au bonheur.
Quand sur cette verdeur à couleur d’émeraude il eut fait déployer un jardin étoilé de feuilles printanières,
A la beauté semblable à un sage cyprès qui était près de lui, il demanda d’ouvrir la bouche et de lui dire des mots remplis de sucre.
Après s’être inclinée devant lui, cette fée ouvrit pour Salomon le voile du mystère :
« toi – dit-elle – dont la vie emplit de joie la mienne, je voudrais que chacun offrît pour toi sa vie…
Et il était dans Roûm un noble personnage, très bon et généreux, comme miel dans la cire… »







Bahrâm passe le mardi au pavillon
rouge avec la fille du roi des Slaves







Un jour au cœur du plein hiver, jour aussi bref qu’une nuit l’est fin juin,
C’était le meilleur jour qui soit dans la semaine. Le mardi n’est-il pas le milieu de semaine ?
C’était le jour de Mars, que l’on nomme Bahrâm, dont la couleur est rouge. Le roi s’y accordait, son nom et ses habits.
Il mit rouge sur rouge et, au petit matin, se hâta de partir vers le pavillon rouge.
Une princesse slave à la chevelure rousse, de la couleur du feu, mais douce comme l’onde
S’en vint pour le servir : c’est chose belle à voir que la lune venant adorer le soleil !…
Et ayant achevé de lui prêter hommage, sa bouche de rubis laissa lors échapper paroles de rubis
Et elle raconta qu’au beau pays de Roûs existait une ville belle comme épousée
Et qu’un roi bâtisseur y avait une fille qu’il avait élevée de charmante manière…



Bahrâm va le mercredi dans le pavillon
turquoise avec la fille du roi du Maghreb







C’était le mercredi ; lorsque la floraison du grand astre solaire donna teinte turquoise au très noir firmament,
Le roi, puisque lui-même illuminait le monde, signifiant ses victoires mit des habits turquoise.
Elégamment alla vers la coupole bleue, car le jour était bref et l’histoire serait longue,
Et lorsque de la nuit la tresse eut étendu son long voile de musc, le roi fut délivré de la foule importune de tous ses chambellans.
Il pria la princesse – elle était fort habile à raconter les fables – de remplir cet office qui est celui des femmes.
Et tout en badinant, de lui dire une histoire qui puisse l’envoûter…
« Il était une fois dans la ville du Caire homme nommé Mâhân ; son aspect surpassait celui de la lune… »



Bahrâm va le mercredi dans le pavillon
turquoise avec la fille du roi du Maghreb







C’était le mercredi ; lorsque la floraison du grand astre solaire donna teinte turquoise au très noir firmament,
Le roi, puisque lui-même illuminait le monde, signifiant ses victoires mit des habits turquoise.
Elégamment alla vers la coupole bleue, car le jour était bref et l’histoire serait longue,
Et lorsque de la nuit la tresse eut étendu son long voile de musc, le roi fut délivré de la foule importune de tous ses chambellans.
Il pria la princesse – elle était fort habile à raconter les fables – de remplir cet office qui est celui des femmes.
Et tout en badinant, de lui dire une histoire qui puisse l’envoûter…
« Il était une fois dans la ville du Caire homme nommé Mâhân ; son aspect surpassait celui de la lune… »




Bahrâm va le jeudi dans le pavillon
santal avec la fille du roi de Chine







Jeudi est un jour faste, heureux allié de Jupiter.
Lorsque l’aube se mit à épandre le musc, la terre de santal commença à brûler un parfum d’aloès.
Pour imiter la terre, le roi prit des habits, prépara une coupe de couleur de santal.
Du pavillon d’azur, il sortit et s’en vint à celle des coupoles qui était de santal.
Il but le vin versé par la belle Chinoise, une eau de Paradis tendue par la Houri dont les yeux étaient bruns.
Jusqu’au soir il buvait le vin de la Houri et de toutes ces coupes tirait joyeuse humeur.
C’était comme une perle dans l’océan de Khôl ; on nourrissait de perles un grand monstre marin.
Puis le roi demanda à la belle princesse aux jolis yeux bridés et éduquée en Chine de lui dire une histoire tirée de sa mémoire.



Bahrâm passe le vendredi dans le
pavillon blanc avec la princesse d’Iran






Ce fut le vendredi, lorsque le saule arqué qui annonce l’aurore eut donné couleur blanche au logis du soleil,
Fort élégant, le roi, tout orné d’habits blancs, alla prendre demeure sous la coupole blanche.
Vénus était alors à la cinquième constellation ; elle s’inclina cinq fois pour bien saluer le roi.
Et pour que l’avant-garde de l’armée noire de Zang n’attaque pas Khotan, le roi donna alors libre champ à sa joie.
Et quand la nuit remplit le ciel de noir collyre, tous les yeux des étoiles et celui de la lune se mirent à briller.
C’est alors que le roi pria cette princesse, qui charmait tous les cœurs, toute emplie de passion, cette fille d’aurore, de veiller cette nuit,
De faire résonner, de sa voix, tel un orgue, tous les échos de la coupole.
Après qu’elle ait loué, cette belle princesse, la couronne royale et le glorieux trône,
Fait des vœux pour que croise, avec un sort heureux, cette noble couronne et ce trône splendide,
Elle dit : « Si le roi, voulant se divertir, veut entendre un récit qui soit fort délicat, et qui s’accorde à ma nature… »



Le manuscrit
Page initiale du poème "Le Trésor des Secrets"

Le manuscrit coté aujourd’hui Supplément persan 1029 à la Bibliothèque nationale de France est un volume copié sur papier de 386 feuillets, de grands format – chaque page mesurant 23 sur 36,2 cm. Il comprend 34 peintures. Le papier utilisé est un papier oriental finement vergé dont les vergeures, légèrement incurvées, sont parfois horizontales, parfois verticales. Il pourrait s’agir d’un papier importé d’Inde. Les cahiers comptent chacun 8 feuillets, ce qui est conforme à la pratique persane des XVIe et XVIIe siècles.


Les règles de mise en page

Les pages écrites comportent quatre colonnes, avec une surface d’écriture de 22,5 sur 13,5 cm à l’intérieur d’un encadrement constitué de filets successivement bleu, noir, or, vermillon, or, vert émeraude et or. Le centre de la page, préparé pour l’écriture à l’intérieur de cet encadrement, a été légèrement sablé d’un semis d’or, tandis que de fines bandes dorées délimitent les colonnes de texte.


Chaque page comporte 20 lignes d’écriture et 80 hémistiches y sont ainsi copiés. La poésie persane étant constituée de distiques comportant chacun deux hémistiches. A l’époque, les copistes étaient rétribués selon le nombre de distiques qu’ils avaient copiés.


Enluminures et frontispices


Page initiale du poème "Khosrow et Chîrîn"

Les titres sont écrits dans de petits cadres à champ doré, calligraphiés comme le texte en écriture «Nasta’liq», alternativement en blanc, en bleu, en rouge, en violet et en vert.

Le début du premier poème est écrit au milieu d’une superbe double page-tapis enluminée d’un style conforme à la tradition persane du XVIe siècle.

On trouve en outre des frontispices enluminés surmontant le début de chaque poème. Ces frontispices sont d’une facture assez classique. Ils ont très probablement été réalisés par un enlumineur d’Ispahan.


Le calligraphe

Le manuscrit 1029 est, pour la calligraphie, l’œuvre d’‘Abd ol-Djabbâr Esfahânî, l’un des plus fameux calligraphes du règne de Châh ‘Abbâs le Grand.

Ses calligraphies sont réalisées en écriture «Nasta’liq». Ce style d’écriture créé en Perse à la fin du XIVe siècle est resté depuis lors le plus apprécié pour la copie des poèmes et l’exercice de l’art calligraphique.


Les colophons
Colophon

Dans le manuscrit 1029, qui est tout entier indubitablement de la main d’‘Abd ol-Djabbâr, on trouve des colophons à la fin de quatre poèmes.

Ces textes enluminés qui concluent et signent les poèmes indiquent que la réalisation du manuscrit s’est étendue sur cinq ans au moins.


Peintures et couleurs



La mort de Majnuông


Le manuscrit comprend 34 peintures qui s’inscrivent dans la pure tradition de la peinture persane des XVe et XVIe siècles. Ce sont de simples peintures à la gouache, polies longuement après séchage pour obtenir un effet brillant.


Une peinture marquée par les préceptes de Coran

Dans la religion islamique, l’homme ne doit pas se prendre pour Dieu et ne peut imiter la création. Aussi la peinture marque-t-elle une différence entre le monde réel créé par Dieu et le monde de la représentation créé par l’homme.



Chîrîn vient voir Farhâd, détail


Invraisemblance des couleurs, absence de perspective, absence de modelé des corps, de relief des formes contribuent à l’affirmation de l’irréalité de cet univers.

Les paysages semblent constitués en plusieurs plans comme un décor de théâtre. Les couleurs des premiers plans ne sont pas plus vives que celles des arrière-plans. La taille des personnages ne diminue pas avec la distance. Les plantes des jardins ou celles des tapisseries ont le même aspect décoratif. Jour et nuit se confondent. Erables à l’automne et cerisiers en fleurs au printemps se côtoient.


Un parti pris d’irréalisme

Souvent, les scènes sont vues d’en haut comme d’une montagne ou d’une terrasse. Mais il n’est pas rare que se juxtaposent vision surplombante et vue de profil. Ainsi, dans les noces de Koshrow et Chîrîn, les amants sont de profil sur un lit, vue du dessus. De même, les personnages de profil près du bassin, vue de haut.

Khosrow voit Chîrîn près de la source

Les noces de Khosrow et Chîrîn Sur le chemin du Mont de Bizotoûn

Le peintre montre parfois qu’il saurait respecter les règles de la perspective. Il ne faut voir dans ces bizarreries ni maladresse ni naïveté. Il s’agit bien d’un parti pris délibéré de l’artiste qui, à travers ce monde imaginaire, contourne d'une certaine manière les interdits religieux.


Une vision mystique du monde

Si Nezâmî s’appuie sur les mêmes légendes historiques que ses prédécesseurs, il les transforme en leçons morales ou en visions mystiques.

Dans ces paysages intemporels, le lecteur peut tout à la fois se délecter «des merveilles des choses créées et prodiges des choses existantes», trouver force et sérénité face à une nature qui s’offre dans la continuité de ses cycles, de l’ombre des fleurs, aux couleurs de l’automne et sourire de la futilité des choses humaines qu’il contemple à distance et de haut.



Madjnoun devient familier des animaux sauvages et des fauves



Toutefois, la peinture déborde parfois de son cadre. Le monde de la représentation tenterait-il de rejoindre le réel ?


Codes picturaux et éléments du réel


Khosrow organise une réception



Khosrow voit Chîrîn près de la source, détail

Dans ces images où tout semble arbitraire (couleurs, compositions, constructions architecturales, fleurs et personnages), apparaissent parfois des éléments réalistes très contemporains de l’artiste.


A côté des rochers ou des images en flammèche, lointaines répliques de peintures chinoises, des fleurs aux motifs souvent répétés d’une peinture à l’autre, des arbres aux branches entrelacées évoquant la relation amoureuse, qui forment, autant de codes formels dans la tradition des siècles précédents, certains détails datent précisément l’œuvre.


Ainsi, les chevaux sont pourvus d’étriers, les armes du combat sont réalistes, les coiffes des paysans sont celles de l’époque et les chapeaux des courtisans, ceux à la mode à la cour d’'Abbâs le Grand


Réaliste ou imaginaire, chaque élément est traité avec un grand sens du détail, une minutie qui contraste avec le traitement des visages tous très semblables. Il en est même parfois difficile de reconnaître le prince parmi ses courtisans.


Prolifération des couleurs


Bahrâm écoute l'histoire de la fille de César de Byzance

Le peintre utilise une palette de couleurs très riche à base de pigments d'origine minérale ou organique couramment utilisés autour de la Méditerranée depuis l’Antiquité :


- blanc de céruse,
- Jaune de l’ocre, du safran ou de l’orpiment,
- laque rouge végétale ou extraite de la cochenille,
- orange du minium, du réalgar (sulfure d'arsenic)
ou du cinabre (sulfure de mercure),
- bleu outremer du lapis lazuli ou bleu de l’indigo


Bahrâm écoute l'histoire de la fille du roi de Chine

Certaines couleurs s’obtiennent avec des mélanges de pigments :

- Vert par mélange de l’indigo et de la céruse,
- Chair par mélange de la céruse et du minium,
- Bleu ciel par mélange de l’indigo et de la céruse,
- Violet par mélange du lapis lazuli, du cinabre et de la laque.

L’or et l’argent étaient utilisés en solution ou en feuille. La couleur argentée des fleuves nous apparaît en général noire par oxydation du métal.



La reliure du manuscrit




Il est probable que la reliure actuelle a été réalisée entre 1740 et 1760.

Ce type de reliures, combinant un médaillon central et des fleurons en cuir découpé avec des plats laqués, est relativement inhabituel dans l’art persan. Il est vraisemblable que les motifs découpés appartiennent à la reliure d’origine tandis que le décor laqué des plats et des doublures aurait été ajouté entre 1740 et 1760.

Reliure du manuscrit
Le Livre de la séparation





Châhi, Recueil des
œuvres poétiques


La technique de la reliure laquée

La technique, très raffinée, qui consiste, sur une reliure de cuir, à évider l’emplacement des futurs décors, puis, sur un fond de soie ou de papier de couleur, à mettre en place ces décors estampés à froid sur une pièce de cuir où les motifs ont été soigneusement découpés avec une très fine lame, est ancienne. On la rencontre déjà dans l’Egypte mamelouke ; elle connaît une très grande vogue en Perse, à Hérât, à Tabriz et à Chirâz, au XVe siècle. Les motifs d’arabesques et de figures animales sont les plus prisés. A cause de sa fragilité, cette technique est surtout utilisée pour orner les contreplats des reliures ; au XVIe siècle, à Chirâz, le contreplats ornés de cette manière sont extrêmement fréquents et le papier remplace souvent le cuir.


Il est vraisemblable que le décor laqué de Supplément persan 1029 a été mis sur une reliure réalisée au siècle précédent et qui, à cause de sa fragilité, nécessitait réparation. L’artiste a admirablement su tirer parti du médaillon central octogonal découpé, et du fleuron qui est huit fois répété à son entour, pour construire la scène qu’il a peinte sur l’espace resté libre.


Une technique très prisée



Farghâni Kâchâni,
Les Orients éclatants

La reliure laquée est depuis longtemps prisée en Perse. Sa vogue semble avoir commencé à la cour de Hérât à la fin du XVe siècle, vers 1475. Il s’agit en général d’un décor réalisé sur carton, mais aussi, plus rarement, sur cuir. Les artistes reproduisent les différents motifs que l’on peut rencontrer sur les reliures estampées à grand décor, mais réalisent aussi parfois un véritable tableau, scène de banquet, de chasse ou de dédicace. Cette scène est parfois en rapport avec le contenu du livre


L’artiste qui a réalisé le décor animalier très soigné qui est répété sur les deux plats de Supplément persan 1029 a mis sa signature au centre d’une des fleurs qui ornent le plat de queue. Cet artiste, Mohammad Sâdeq, est un peintre fort connu qui fut employé par Karim Khân Zand, le successeur de 1750 à 1778 de Nâder Châh sur le trône de Perse.