samedi 31 mai 2008

La flexi-sécurité à la mode RGPP : un leurre pour les fonctionnaires

Le gouvernement et le Président Sarkozy présentent la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) au travers de trois objectifs majeurs officiels :
  • Mieux adapter les administrations aux besoins des usagers
  • Valoriser le travail des fonctionnaires
  • Réduire les dépenses publiques pour revenir à l’équilibre budgétaire et gagner des marges de manœuvre.
Il s'agirait donc de redéfinir les périmètres des politiques publiques et les adapter aux exigences de la société. Au-delà de l'affichage officiel, essayons de percer les véritables ambitions de cette énième contre-réforme en Sarkozye.

On nous parle de réduire le déficit de l'Etat, d'amélioration des salaires des fonctionnaires en contre-partie du non remplacement d'un fonctionnaire sur trois faisant valoir ses droits à la retraite. Il s'agit de la purge lente et certaine de la Fonction Publique d'Etat. Que votre service vienne à être externalisé (et cela ne manquera pas de survenir, l'Etat sarkozyste, dogmatique, s'employant à réduire la Fonction Publique d'Etat à la portion congrue. Vous appliquera t'on le funeste principe d'emploi acceptable récemment codifié ?), et la RGPP vous poussera sur la touche en instituant le principe universel des néo-libéraux : three strickes and you're out (la justice américaine vous inflige une peine de prison à vie si vous avez été condamnés trois fois, fut-ce pour des délits mineurs. l'ANPE/UNEDIC va devoir bientôt radier de ses listes les récalcitrants qui auraient l'audace insigne de refuser trois propositions d'emploi, comme un job à 400 euros mensuels en Slovénie suite à la délocalisation de votre entreprise). On vous proposera trois nouvelles affectations (dans un autre Ministère, une autre région). Viendriez-vous à les refuser, au motif que ces emplois ne vous conviennent pas (éloignement géographique de votre conjoint, vos amis, précarité de la future situation, postes inadaptés à votre motivation et vos compétences), bougre d'asocial, l'Etat vous privera de votre traitement et vous placera immédiatement en disponibilité. En un mot, vous êtes virés. De hauts fonctionnaires travaillent actuellement à la redéfinition des statuts des fonctionnaires de la Fonction Publique de l'Etat. Des fiches de poste génériques associées à des définitions non moins génériques des métiers vont être mises en place (le nombre de métiers est donc réduit de manière drastique. Si l'on gardait les définitions qui avaient cours ou, pire, si l'on prenait en compte les listes des syndicats, il serait fort difficile de vous proposez trois postes acceptables et donc diminuerait d'autant les chances de vous éjecter. Vous, spécialiste technique, êtes reclassifié agent généraliste, apte à occuper une large palette de postes).

On nous parle de rémunération au mérite, alors qu'existe déjà un mécanisme de « recompense » des agents depuis la mise en place des évaluations annuelles en 2004. Il ne s'agit pas d'autre chose que de laisser les agents face à l'arbitraire des petits chefs qui pullulent. Cela conduit fréquemment à une notation « à la tête du client ». On ne constate pas autre chose chez Thales avec le mécanisme du BSO (Bonus Sur Objectif). On peut légitimement craindre l'accroissement des inégalités lorsque le cadre, certes rigide, des grilles indiciaires sera bousculé par la nouvelle législation inspirée du « travailler plus pour gagner plus » (car il sera demandé des « efforts » à ceux qui n'auront pas été mis sur la touche).

Le corps social est versatile, inconséquent, immature, potentiellement dangereux. Qu'a cela ne tienne. On se passera de son approbation (on peut citer en exemple le TCE qui, bien que rejeté par référendum en France et aux Pays-Bas, a été maquillé en Traité de Lisbonne, qui plus est signé dans un lieu dont la symbolique chrétienne n'a échappé à personne. On peut citer le Traité de Nice rejeté par le peuple Irlandais. On lui expliquera qu'il avait mal compris le projet, on utilisera les armes plus ou moins subtiles de la propagande. Par une nauséabonde collusion entre la lassitude et la docilité, le second référendum fut un succès, pour les élites européennes s'entend).

Nous sommes bien loin du principe du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Nos dirigeants actuels haïssent le peuple et les principes démocratiques. La démocratie fait peur, dérange : ses promesses, sa démesure, son utopie. Je suis arrivé à cette triste conclusion par la simple observation des pratiques politiques, intellectuelles dans notre pays ces dernières années, et plus particulièrement depuis l'avènement de N. Sarkozy. Quelques cas pour l'illustrer que j'ai volontairement extrait de la chronique d'Edwy Plenel du 25 mai 2008 sur l'antenne de France Culture, ceci afin de montrer que mes constats ne sont en rien des élucubrations de gauchiste patenté :

Lors de son discours à l'Assemblée Nationale de défense de la loi sur la protection des sources des journalistes, la ministre Dati a eu des mots malheureux et révélateurs. Elle a enjoint les députés a adopter le texte qui prétendument établi un équilibre entre la préservation des intérêts supérieurs de la Nation et le respect de la liberté de la presse. Comme si cette liberté n'était pas en soi un intérêt supérieur de la Nation. Comme si l'on devait l'accepter à contre-coeur, avec des réserves, des conditions. Sous couvert de l'établissement d'une protection démocratique des citoyens, la loi en organise la violation au bénéfice de l'Etat. Une certaine presse reste indisciplinée, rebelle. Il faut organiser sa mise au pas.

Cette même semaine, à l'occasion de déplacements en province de N. Sarkozy, des militants syndicaux et politiques, placés le long du parcours présidentiel, se sont vus confisqué par la police leur matériel (tracts, badges, auto-collants, casquettes). Ceux qui ont opposé une quelconque résistance ont été exfiltrés ...

On entend ici ou là, des discours alarmistes à propos de la dynamique participative d'Internet. Ce serait le monde du n'importe quoi, quand l'information d'avant l'avènement de ce media moderne serait elle un modèle de rigueur, du pluralisme, de la liberté.

Sources/renvois :

a) Jacques Rancière, philosophe. Biographie succincte : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Ranci%C3%A8re

b) Internet : http://www.rgpp.modernisation.gouv.fr/cmpp4-4-8/comprendre.html

L'Afrique au secours de l'Occident ?


L'auteur nous propose un changement de paradigme intéressant mais qui recèle à mon sens un piège qui n'a pas été évité.
Anne -Cécile ROBERT (journaliste au Monde diplomatique et professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’université Paris VIII) est venue le 29 mai 2008 à Toulouse, salle du Sénéchal, à l'invitation conjointe de la section toulousainne des AMD (Association des Amis du Monde Diplomatique) et d'ATTAC-Toulouse. Elle a disposé de ¾ d'heure pour sa conférence, les organisateurs, comme à leur habitude, limitant toujours de manière exagérée la durée des conférences pour laisser une part trop importante au « débat ». Les cours magistraux seraient insupportables à beaucoup, donner la parole au public serait en soi un acte démocratique. Je suis toujours choqué par de telles pratiques. Non seulement je ne pense pas être le seul à apprécier les cours magistraux quand ils sont dispensés par de vrais spécialistes des sujets abordés, mais à vouloir ériger en dogme la doxocratie on participe à la liquidation des principes fondateurs de la démocratie. Non, le « public » n'est pas plus dans la vérité (historique, sociologique, philosophique, politique) que les « experts », mais je considère que le débat ne peut se dérouler que si l'ensemble des participants actifs disposent d'un socle commun de connaissance du sujet. Sinon, il est aussi profitable d'aller dans le café du coin écouter la « voix du peuple ». Restons sérieux, si l'un des objectifs d'ATTAC et des AMD est bien de susciter la réflexion, le préalable indispensable reste l'acquisition des connaissances. Quand je me rends à une conférence, c'est bien parce que j'attends du conférencier (ou de la conférencière) qu'il (elle) me permette d'éclairer tel ou tel sujet sous un angle qui m'est peu familier, qu'il (elle) m'apporte des connaissances, des clés de compréhension. Charge à moi ensuite de digérer ce matériau brut et d'en évaluer la sincérité, la pertinence, la valeur scientifique, de nourrir ma réflexion sans être dépendant.
Ce soir là, donc, la conférence n'échappa pas aux écueils habituels : A.C.R. s'excusa de devoir simplifier par manque de temps, de devoir tenir des propos par trop généraux et donc sinon lapidaires en tout cas entâchés d'à-peu-près. Son propos n'en fut pas moins intéressant mais si elle avait disposer du temps qu'elle (et non des tiers) aurait juger nécessaire pour présenter les thèses développées dans son petit livre. S'ensuivit un débat, qui lui non plus n'échappa pas aux écueils devenus traditionnels de cet exercice : le public réfléchit à voix haute, présente son expérience et sa connaissance du sujet dans un narcissisme affligeant. Le temps vint où, n'en pouvant plus, je du quitter la salle avant la fin de la séance. Mais venons en maintenant au livre et aux idées présentées dont je donne une synthèse :
ACR précise qu'elle n'entend pas tomber dans le piège de l'idéalisation de l'Afrique (des Afriques devrait-t'on dire) et de la démonisation de l'Occident (des Occidents devrait-t'on dire, symétriquement). Elle ne nie pas les drames actuels et passés de l'Afrique, ni les expériences positives occidentales.
ACR nous propose de renverser radicalement le regard porté sur notre « monde mondialisé ».
les sociétés occidentales puiseraient sans vergogne dans les ressources de la planète, altérant gravement le lien social (sans lequel une société humaine n'est plus humaine). Elles seraient en grave crise (identitaire, environnementale, économique, ...). Inféodés et fascinés par le modèle capitaliste et consumériste, ils seraient devenus si individualistes qu'ils courent à leur perte.
les sociétés africaines seraient détentrices de valeurs que l'on ne rencontreraient plus ou presque en dans les sociétés occidentales. L'importance du groupe, du collectif est profondément ancré dans l'âme africaine. Il en résulte des pratiques spécifiques qui font au mieux rire les occidentaux, au pire qui génère une opposition farouche (eg FMI/Banque Mondiale et les tontines). Refus de la tyrannie du temps, rapport différent de l’individu à la collectivité, acceptation et canalisation des passions, résistance à l’accumulation de richesses, insertion pacifique dans l’environnement. Les sociétés africaines seraient donc en mesure d'apporter une vision plus harmonieuse et plus équilibrée du rapport entre les humains et la nature.
L'Occident se plaçant délibéremment dans la posture de celui qui donne et cantonnant l'Afrique dans la posture de celui qui reçoit, instaure par là même non seulement une dépendance, mais un rapport de domination sur un continent entier.
Si les sociétés africaines et leurs élites pouvaient prendre conscience de la fécondité de cette différence de valeurs, et acceptaient de s’en saisir au lieu de se couler dans le modèle dominant, elles rendraient service à la planète entière. Si l’Occident acceptait une Afrique majeure au lieu de toujours, d’une manière ou d’une autre, vouloir la maintenir sous sa coupe, alors le cours du monde pourrait en être changé.
Je partage peu ou prou ces constats/analyses. Mais le piège qui n'est pas évité est bien celui de la recherche des solutions aux angoisses existentielles à travers l'Autre, celui qui enrichit mais celui qui peut rendre dépendant. Si notre bonheur, notre joie de vivre dépend de facteurs extérieurs, si nobles fussent-t'ils, nous sommes sur une pente très dangereuse. La solution ne réside qu'en nous, au plus profond de notre être. Mais la quête semble devoir prendre des chemins détournés. Nous avons effectivement besoin des autres mais pas dans une approche compulsive. Nous deviendrions sinon dépendants de la présence ou de l'absence de l'Autre. Nos sociétés modernes font que peu d'humains sont en capacité de vivre de manière totalement autonome, sur tous les plans. Il est heureux que nous puissions alors découvrir la noblesse du collectif, mais sans oublier que l'individu ne doit jamais se dissoudre dans un plus vaste ensemble. « être » ne signifie pas « ne croire qu'en soi et ses capacités ». Le totalitarisme soviétique a bien montré ce que les excès d'un collectivisme mis au service d'une caste dominante et assoiffée de pouvoir peut générer : une abomination. Le totalitarisme du IIIe Reich a bien montré ce que l'obéissance, la soumission à l'autorité suprême (le Fuhrer) ou à toute autre forme d'autorité (commandant de camp de concentration, blockova, stubova) peut générer : le seul et unique génocide industriel de l'Histoire (la Shoah).
Ni soumission, ni insoumission.

Sources/Renvois :
a) Conférence d'Anne-Cécile ROBERT, Toulouse, 29 mai 2008
b) Internet : http://www.monde-diplomatique.fr/livre/afrique/

vendredi 30 mai 2008

Droit des femmes, laïcité ou Chari’a

Nous apprenons ce matin qu'un mariage vient d'être annulé par décision de justice, au motif que la mariée avait prétendue être vierge, ce qu'elle n'était pas. De nombreux cris d'orfraie ont pu être entendus (hommes et femmes politiques, associations), nul ne s'en étonnera. Qui dit débat passionnel dit échanges irrationnels. Que peux-t'on attendre ? une modification de la loi ? on entend que tout contrat peut être rompu si les termes n'en ont pas été respectés par l'une ou l'autre des parties. Le contrat de mariage étant mis sur le même plan qu'un prosaïque contrat d'assurance ou qu'un contrat commercial. Qu'un homme, musulman pratiquant en l'espèce, puisse obtenir gain de cause face à son épouse, sur le territoire national, en invoquant une "erreur sur les qualités essentielles" est proprement ahurissant.

Le tribunal de Lille précise que l'époux avait "contracté mariage avec Y après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste". "Estimant que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux, pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l'annulation du mariage", précise le jugement. Le tribunal a prononcé la nullité parce que la jeune femme a acquiescé à la demande de son époux : selon les juges, ce geste prouve que la virginité était "bien perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement" de son mari.

(ces quelques lignes sont extraites d'un article du journal Le Monde)

Nous voici donc dans un pays où tout à la fois un français converti à l'Islam, et la Justice française se comportent comme dans n'importe quel pétro-monarchie du Golfe arabo-persique. On va donc désormais, en se basant sur cette jurisprudence, pouvoir répudier femme comme bon voudra. Quel droit symétrique serait opposable par une femme à son époux ? on se le demande. Il n'y aurait eu en l'espèce que stricte application de la loi. J'y vois plutôt là une dangereuse concession aux rigoristes religieux. Sommes-nous encore dans une République résolument et fermement laïque. Après plusieurs propos calamiteux sur le sujet proférés par le Président de la République, voici qu'un tribunal lillois lui emboite le pas. Sommes-nous à partir de ce jour partiellement régis par la Chari’a ? Il ne s'agit pas ici de critiquer la foi de tel ou tel, mais de constater avec effroi la collusion du machisme méditérannéen et de l'extrêmisme religieux, non pas en Algérie ou en Syrie, mais bien en France. Faut-il rappeler qu'il s'agissait d'une union civile et non d'un mariage religieux. Qu'un mariage religieux (quelle que soit la confession) puisse être annulé pour telle ou telle raison, cela pourrait se comprendre (même si en tant que laïc, cela ne laissera pas d'inquiéter sur les mentalités). Après le débat sur le port des signes religieux à l'école et dans les lieux publics, nous voici face à un autre danger. Voulons-nous continuer à vivre dans une société qui fait si peu de place aux femmes, ou à tout le moins qui les rabaissent qui à l'état de "chose sexuelle", qui à l'état de "blonde stupide".
Ca ne sont pas les dernières affaires de pré-adolescents ayant violé de très jeunes filles et ayant fièrement diffusé la vidéo via leur téléphone portable, qui me rassurerons sur la psychologie masculine. Ces pré-ados n'ont aucune conscience de la gravité de leurs actes, n'expriment aucun remords. La récidive est donc possible. Quelles actions éducatives mettre en place ? on ne pourra pas, là non plus, rester immobiles, citoyens, membres du corps enseignant, parents. Encore faudrait-il que ces derniers ne se recrutent pas dans la catégorie de ceux qui aiment dominer (leur femme, leurs enfants, leurs collègues de bureau, etc ....).


Source internet :

http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/05/30/debat-apres-l-annulation-d-un-mariage-entre-musulmans_1051815_3224.html

jeudi 8 mai 2008

L'autre 8 mai 1945 : un désastre

En ce jour traditionnellement dédié exclusivement à la commémoration de la victoire des Alliés sur le IIIème Reich, cette confiscation de la mémoire collective au seul profit d'une histoire ré-écrite par le pouvoir colonial et post-colonial est une insulte aux milliers d'Algériens assassinés dans le Constantinois. Zouaves, Tirailleurs Algériens et Tunisiens, Goumiers Algériens et Marocains , Spahis Tunisiens et Marocains, Tirailleurs Sénégalais, etc ... L'Armée d'Afrique et les Troupes Coloniales avaient pourtant payé un lourd tribut lors des deux conflagrations mondiales. Pas plus que les Juifs français Poilus de 14/18 qui se croyaient légitimement protégés, et qui pour 79 000 d'entre eux ne revinrent jamais de la déportation, nos troupes Nord-Africaines ne seront protégées de la fureur raciste et coloniale. Alors qu'à Setif et ailleurs dans le Constantinois, une aspiration légitime à être considérés par la République, à s'émanciper collectivement, se faisait jour. En fin de matinée à Sétif, puis dans l'après-midi à Guelma, les militants du P.P.A. brandissent des drapeaux algériens, des banderoles appelant à la libération de leur leader politique Messalih Hadj, se mêlent à la commémoration officielle. Des fusillades éclatent. Des européens sont blessés ou tués. La réponse coloniale française, avec l'assentiment des gouvernements Anglais et Américain, sera féroce, dans tout le Constantinois, berceau du nationalisme algérien. Arrestations massives, villages pillés et brûlés, assassinats collectifs. Le bilan des "évènements dans le Constantinois" fourni fin juin par le Ministre de l'Intérieur fait état sera de 102 morts européens et environ 1 500 "indigènes". Les nationalistes algériens annoncent 45 000 victimes. Le renseignement anglais indiquait à la mi-mai "au moins 6 000 morts et 14 000 blessés algériens". Un rapport des services secrets américains de début juillet parle lui de plus de 17 000 morts. Les travaux des historiens situent aujourd'hui le bilan entre 15 000 et 30 000 morts algériens. Assassinés sauvagement par les troupes régulières au sol, les canons de la Marine, les avions de l'Armée de l'Air, les milices des colons.
Quasi privés de leurs droits sociaux, juridiques et politiques, nos "indigènes" étaient bons pour faire de la chair à canon, mais pas pour être reconnus comme des citoyens. Quelques exceptions : l'émergence d'une petite bourgeoisie indigène fut favorisée, notamment issue des familles détenues un temps à la prison de l'île Sainte-Marguerite après la prise de la Smala d'Abd El Kader le 16 mai 1843 par les troupes du Duc d'Aumale (note 1). Une sélection parmi les sujets à fort potentiel et qui serviraient plus ou moins fidèlement le maître Français. La masse algérienne n'avait pas le droit à l'éducation (pourtant obligatoire depuis Jules Ferry ...). Un double collège électoral (européen d'un côté, indigène de l'autre) foulait aux pieds le principe "un homme/une voix" : était-on alors dans le cadre d'une France Républicaine, ou plutôt dans celui de cette France raciste qui perdure encore de nos jours, sous l'aspect du racisme ordinaire de la "France d'en bas" ou du plus abject encore racisme d'une certaine "élite" bien-pensante, fière d'être intelligente, cultivée, littéraire (note 2). Ou de la vision plus que passéiste du pitoyable discours prononcé à Dakar l'été dernier par le tout nouveau Président Sarkozy (discours écrit par le "mentor" élyséen Claude Guéant, et truffé de références à l'idéologie du XIXe siècle qui voyait au mieux l'Afrique comme peuplée d'enfants, inaptes à se projeter dans l'avenir, ou au pire comme définitivement arriérés - note 2).
Oui, il y a un autre 8 mai 1945 à commémorer. Alors que nous n'avons pas fini de payer le prix de 132 ans de présence coloniale et impérialiste en Algérie. Alors que le combat du P.C.A. et des forces progressistes étaient à l'opposé de celui du FLN, ce dernier a imposé sa force, sa brutalité. Il n'y aurait pas d'Algérie fraternelle, progressiste, multi-confessionnelle, pluri-ethnique. Il y aurait des massacres, le drame de l'exil vers la métropole pour tant de harkis et de pieds-noirs. Et finalement, le départ du colonisateur, après tant de larmes, tant de sang versé, tant d'occasions manquées d'établir une vraie paix. Quel gâchis sur celle belle terre algérienne !

Note 1 : près de 800 personnes avec femmes et enfants.
Note 2 : qu'on lise Jules Romain (Académicien Français, auteur de la somme en 27 volumes "Les Hommes de bonne volonté", Grand Officier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur) "il m'est arrivé d'avoir en face de moi une rangée d'une vingtaine de noirs purs. Je ne reprocherais même pas à nos nègres et négresses de mâcher du chewing-gum. J'observerais seulement que ce mouvement a pour effet de mettre les mâchoires bien en valeur et que les évocations qui nous viennent à l'esprit vous ramène plus près de la forêt équatoriale que de la procession des Panathénés. La race noire n'a encore donné et ne donnera jamais un Einstein, un Stavinsky, un Gershwin". Ou très récemment, de Richard Millet, l'éditeur du très polémique "Les Bienveillantes" de Jonathan Littell, "l'immigré est aujourd'hui une figure autrement considérable que l'écrivain. Les belles âmes ont travesti en question éthique ce qui relève de l'économique. Dans ce wagon de métro qui m'emmène vers la banlieue Nord de Paris, et où je suis le seul blanc et sans doute le seul français, je songe à cette expression sociologique en vigueur il y a une trentaine d'années : "le seuil de tolérance à l'immigration ". Si je dis que l'Afrique, à l'exception de la chrétienne Ethiopie, ne m'intéresse pas, que je m'y sens esthétiquement indifférent, si je dis que je n'ai jamais désiré une Africaine, et que je vois ce continent à peu près comme le narrateur du roman de Conrad "au coeur des ténèbres" cela implique-t'il que je sois raciste ?" extraits de "L'opprobre : Essai de démonologie " publié le 6 mars 2008 chez Gallimard.

Sources utilisées :
Celle qui a ré-activé ma mémoire de cet autre 8 mai
* Canard Enchaîné, édition du 7 mai 2008, page 7
Celles qui m'ont permis des vérifications croisées :
* Lignes de Fuite, Edwy Plenel, 3 mai 2008
* L'Autre mai 1945, documentaire de Yasmina Adi
Une référence culturelle à la Démocratie Athénienne et les Panathénés :
* Panathénés : http://www.intellego.fr/index.php?PageID=print-document&document=2491