samedi 27 février 2010

Un passé qui ne passe pas

Les suites de l'affaire Soumaré sont relativement inattendues : Vincent Peillon vient de rappeller mièvrement la condamnation de Patrick Devedjian et Alain Madelin en 1965 pour vol de voiture et détention d'armes. On aurait aimé, quitte à remuer le passé, que soit rappelé l'engagement au sein du groupuscule fasciste Occident, de plusieurs personnalités de droite qui depuis sont devenues, qui ministre, qui secrétaire d'Etat, ou encore député (ce qui est d'autant plus dramatique que ces fascistes étaient naturellement anti-parlementaristes et anti-républicains) en général après un transfert vers l'UDF au début des années 1970 : Hervé Novelli, Didier Schuller, Patrick Devedjian, Alain Madelin, Gérard Longuet. pour ne citer que les plus en vue. Les deux derniers, en compagnie de Philippe Seguin, le soir du 10 mai 1981 à la TV, prédisaient l'arrivée des chars soviétiques sur les Champs-Elysées dans les 3 mois (le premier gouvernement Maurois allait compter 4 ministres encartés au PC, affectés à des ministères non essentiels : transport, fonction publique, santé et formation professionnelle. Notez que je ne dis pas "4 ministres communistes"). On pouvait alors légitimement parler de droite parmi les plus connes du monde, en évoquant le tout-puissant RPR et ces jeunes quadras férocement anti-communistes, partisans farouches de l'Algérie française, racistes, anti-sémites, anti-maçonniques, etc ....
Aucun n'a renié ce passé à l'extrême-droite. Tous ont justifié a postériori les ratonnades et les actes terroristes auxquels ils ont participé dans les années 60 (pour certains d'abord à la FEN puis chez Occident - de la création en 1964, à la dissolution 1968 par Raymond Marcellin, ministre de l'intérieur, puis au GUD : cf la belle carrière de Madelin qui fit son droit à Assas, bastion du GUD). Occident se réclamait de la pensée de Charles Mauras, des écrits de Robert Brasillach (fusillé en 1945 pour collaborationnisme ...), citaient abondamment le spécieux Louis-Ferdinand Céline. Les sus-nommés s'engagèrent aux côtés de Tixier-Vignancourt lors de la campagne présidentielle de 1965 (http://www.ina.fr/politique/allocutions-discours/video/CAF88011854/jean-louis-tixier-vignancour.fr.html). Belle brochette. Belles références. Mais le passé ouvertement fasciste de ces messieurs (rappelons qu'Occident militait pour l'abolition du suffrage universel et a applaudi des deux mains au coup d'Etat militaire en Grèce en 1967), ce passé a été oublié ou presque. Surtout par les medias. Depuis, ils ont eu droit aux honneurs de la République dépravée. Leurs victimes, elles, n'ont pas oublié. Les défenseurs des droits de l'homme et des valeurs républicaines non plus. Alors même si le procédé utilisé par le fielleux Peillon est peu glorieux (la bassesse n'est qu'un trait du dit Peillon, bouffi d'orgueil. Il semble bien que les attaques personnelles, sur le mode USA, se soient installées durablement dans le paysage politique français. On a vu Fadela Amara, pourtant très sarko-compatible jusque-là, déclarer que la campagne des régionales 2010 était "puante").
L'extrême-droite française, dans toutes ses composantes, tant toute son histoire passée, présente et à venir, est un ennemi résolu des Lumières. Mais ils détestent également le peuple français.

mercredi 10 février 2010

Le rapport Karski : une bien triste polémique







Fiction et histoire: les romanciers ont-ils tous les droits ?© AFP/archives - Janek Skarzynski

La polémique autour du livre de Yannick Haenel sur le résistant polonais Jan Karski a été alimentée à ce jour principalement par Claude Lanzmann (auteur du monumental et irremplaçable "Shoah" diffusé à quatre reprises à la télévision Française, 1987 /1993 /1998/2010. oeuvre capitale pour témoigner de l'extermination des Juifs en Europe).

Je ne comprends pas la violence des attaques de Lanzmann. Notamment lors du préliminaire à la diffusion de la seconde partie de Shoah sur Arte il y a deux semaines de cela. Ses propos étaient déplacés. Il se plaçait en seul garant de la vérité historique de la shoah, comme seul garant du respect de la parole du catholique Karski. C'est faire peu de cas de la réduction des 8 heures de shoot à 40 mn dans le film. Le montage est ainsi fait que l'on ne peut retenir tous les rushes. Mais comment expliquer que Lanzmann n'est remonté les rushes Karski que fin 2009 ? afin de répondre à une commande d'Arte me dira-t'on. Où est le respect de Karski quand on attend 30 ans pour lui consacrer un documentaire alors que le matériau brut est là ? Où est le respect de la parole de Karski quand on ne retient "que" son témoignage sur les ghettos et que l'on rejette le combat de Karski pour faire connaître aux dirigeants Alliés la réalité du cataclysme ? En prenant l'angle d'attaque de Lanzmann quand il critique Haenel, on pourrait critiquer Shoah. Qui s'y résoudrait, tant l'oeuvre est étouffante, inclassable, indispensable. Mais elle n'est ni l'oeuvre ultime ni l'oeuvre unique sur ce douloureux sujet, plaie européenne toujours pas cicatrisée. "Les survivants" de Patrick Rotman (2005) est lui aussi le fruit d'un travail de mémoire exemplaire. On peut également utilement citer le documentaire "Paragraphe 175" de 2000 (décrit les persécutions dont furent victimes les homosexuels sous le IIIième Reich. Le paragraphe 175 du code pénal en vigueur sous le Kaiser Wilhelm I fut ré-écrit par les nazis et publié en 1935).
Ainsi donc, un auteur de fiction ne serait-il pas autorisé à mettre en scène des personnages historiques, sauf à répéter l'histoire officielle (si tant est que cela soit raisonnable de figer l'Histoire, interdisant la relecture par les historiens de pièces d'archives). Pierre Assouline soutient que "Quand on met en scène de véritables personnages, on ne peut pas leur faire dire n'importe quoi" (déclaration à l'AFP).
La dernière partie de "Jan Karski" relève de la "pure invention", avertit Haenel. Il y imagine en particulier les dialogues du face-à-face, bien réel, de Karski avec le président Roosevelt qui semble totalement indifférent.

En août dernier, Yannick Haenel, co-animateur de la revue "Ligne de risque", et auteur notamment de Cercle, publie un roman intitulé Jan Karski, dans lequel il rend hommage au grand résistant polonais qui a été l’un des premiers à dénoncer l’extermination des Juifs et l’existence des camps de concentration. Appel qui, d’après Haenel, n’a pas "voulu" être entendu, laissant le messager Karski seul face à l’horreur.

Le roman de Haenel est conçu de manière peu conventionnelle : la première partie reprend les séquences de Shoah dans lequel Claude Lanzmann fait parler Karski. Le second chapitre est consacré au livre de Karksi : Story of a Secret State, paru en 1944 aux Etats-Unis et non encore réédité (prévu aux éditions Robert-Laffont). Enfin, le 3ème chapitre, le plus long et celui qui est précisément au centre de la polémique, fait place à la fiction. Haenel écrit ici ce qu’il pense être les réflexions personnelles d’un Karski désabusé, déçu par l’inertie des alliés, souffrant à jamais de n’avoir pu mener à bien la mission qui lui avait été confiée : sauver les Juifs et la Pologne.

Grand succès littéraire, le livre de Yannick Haenel publié aux éditions Gallimard a reçu le prix Interallié et le Prix du Roman Fnac en 2009.

Claude Lanzmann, lui, accuse Yannick Haenel d'avoir falsifié l'histoire. Comme si le romancier était sommé de respecter des schémas pré-établis. C'est justement la force des écrivains que de ne pas se laisser gagner par le conformisme. Qu'Haenel décrive la rencontre Karksi-Roosevelt en s'écartant totalement de ce que l'on sait de cette entrevue grâce à Karski lui-même, où est le souci ? On a à faire a un roman. Faut-il rappeler à Claude Lanzmann que nombre de publications d'historiens sont orientées, biaisées, malhonnêtes ? On a surtout l'impression en écoutant Lanzmann qu'il interdit à quiconque autre que lui de parler de la shoah. A 83 ans on a l'impression qu'il a été gagné par le gâtisme.
Un écrivain peut-il tout écrire ? c'est sa liberté, son droit. Le lecteur du livre d'Haenel prendra-t'il le récit pour vérité historique. On peut largement en douter. Il semble aujourd'hui impossible d'écrire sur cette période de l'histoire. Que l'on se rappelle Jonathan Littell et "les Bienveillantes". On peut être choqué par de tels livres. Mais vouloir réduire les écrivains au silence procède du fanatisme intellectuel, du fascisme ordinaire (ce sont les frères Garcias qui vont être contents en lisant cela ... un jour je ferai un post complet sur le fascisme ordinaire mais il faut travailler la forme). Pensez comme moi ou je vous anihilerai. Et puis notons que Lanzmann, comme Anette Wieviorka, ont l'indignation bien sélective. La dignité d'un homme ou d'une femme se mesure également à sa capacité à être cohérent. Qu'on se rapelle le combat de Germaine Tillon. Lanzmann fait malheureusement l'effet d'un être aveuglé. Une bien triste fin de vie. D'autant que l'angle de sa critique «La littérature doit ajouter de la vérité» est plus que critiquable et ne manquera pas de donner des arguments à l'extrême-droite française et européenne.

Arte diffusera en mars prochain un document de 52 minutes "Le rapport Karski" de Claude Lanzmann, montage de ses entretiens avec le résistant polonais.

Voir également :
www.mediapart.fr/journal/culture-idees/260110/yannick-haenel-defend-son-roman-jan-karski-face-aux-attaques-de-claude-lanzmann

http://www.lepetitjournal.com/content/view/48346/1091/

Merci à Juan Asensio pour son commentaire (le lien permettra d'avoir une toute autre lecture que la mienne de cette affaire). Je n'avais pas retrouvé la citation du Monde, faute d'avoir consacré suffisamment de temps à ce post. Et pourtant, vous pourrez jugez par vous-mêmes de cette violence et de ce manque de tolérance de Lanzmann :
«Ce petit jeune homme [Yannick Haenel] décrète que je ne comprends pas la littérature. Et il ose écrire : «Contrairement à ce tribunal de l'Histoire, d'où parle Lanzmann, la littérature est un espace libre, où la «vérité» n'existe pas.» Il n'est pas de phrase plus sotte. La littérature n'a affaire qu'à la vérité; si celle-ci n'est pas l'affaire de Yannick Haenel, c'est que Jan Karski, roman, et quoi qu'en dise Sollers, n'est pas de la littérature.»Claude Lanzmann dans Le Monde du 30 janvier 2010.
Voyez la tentive de rabaisser, d'humilier
1. "ce petit jeune homme". Ne vaut-il pas être un petit jeune homme qu'un vieux con ?
2. "il n'est pas de phrase plus sotte".

Je ne crois pas que critiquer Lanzmann revienne à avaliser le travail d'Haenel, encore moins à "jeter quelques mensonges supplémentaires sur les millions de cadavres de Juifs.". Ici encore, surenchère verbale qui n'élève en rien la discussion. Dans un monde on l'on entend certains (je pense notamment aux extrémistes de droite de la LDJ) traiter Rony Brauman ou Michel Warschawski d'antisémites, on peut s'attendre à tout même au plus inepte en terme de communication médiatique. Haenel a pris un certain parti, et s'il ne s'agit pas de littérature les bras m'en tombent. On peut être choqué, gêné, etc, en lisant tel ou tel livre. Voudrait-t'on revenir à la pratique des autodafés ?
Pour en revenir à l'article de Juan Asensio, puisqu'il faut être précis, ce ne sont pas quelques centaines de milliers de juifs qui furent assassinés dans le complexe unique d'Auchwitz-Birkenau (camp d'extermination + camp de concentration) mais 1 million (selon ma référence depuis 20 ans qui est le travail, controversé sur certains aspects, du regretté Raul HILBERG; voir annexe B, page 1045, édition de 1988 de "la destruction des Juifs d'Europe", publié chez Fayard).

Réponse de Yannick Haenel :
http://www.dailymotion.com/video/xbzl35_yannick-haenel-repond-a-claude-lanz_news

Identité Front-National ....

Ainsi donc il faudra que nos bambins chantent la Marseillaise dans les écoles de notre pôvre République agonisante sous les coups de boutoirs nationalistes du pouvoir. Et sans doute seront-ils sommés de trouver que la colonisation a été positive ... alors que les ressorts de cette entreprise abominable d'asservissement des peuples sont depuis longtemps connus, et justement dénoncés par sociologues et historiens.
Ainsi donc faudra-t'il , là où ça n'est pas déjà le cas (ce qui doit se limiter à fort peu,) afficher le drapeau français au fronton de nos sus-mentionnées écoles publiques. On croit rêver. Quand cessera-t'on de singer le programme xénophobe, raciste et antisémite du Front National. Il ne suffit pas de donner le change en allant, qui au dîner du CRIJF, qui à une réunion du CFCM, faisant par là le lit des communautarismes qui vont porter un coup grave au pseudo-universalisme français. En finir avec l'idéologie des Lumières, en finir avec les idéaux de la Révolution de 1789, en finir avec le programme progressiste du CNR, en finir avec l'esprit de mai 68 : tout cela a été annoncé. C'est dire si les idéologues du pouvoir aiment la démocratie, respectent les humbles, combattent pour les libertés, la justice pour tous et l'équité pour chacun. Trop c'est trop ! Basta ya, hombre !
Ainsi donc aucun dérapage n'aurait-eu lieu lors des pseudos-débats rances sur l'identité nationale. Le pouvoir n'est plus à un mensonge près.
Ainsi donc, faudra-t'il afficher la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans nos écoles. On a vu le résultat de la mesure quand elle fut appliquée aux commissariats de police. Il n'y a que peu de différences idéologiques entre les individus qui composaient la police de Vichy et les individus qui composent la police nationale. Exagération ? falsification de l'histoire ? non ! mettez ces policiers qui font du contrôle au faciès, qui jouent les shérifs en banlieue, qui ne voient rien à redire aux gardes à vues, placez-les donc dans un contexte historico-politique du type juin 1940, et vous verrez le résultat. L'hypothèse est plus qu'improbable, mais je veux dénoncer par là les pratiques scandaleuses de certains policiers français, et les idées scandaleuses d'un certain syndicat de police proche du FN. Les policiers ont jusque là été de bien fidèles relais des lois Perben 1 et 2, et de leurs suites Sarkozystes. Voyez aussi le traitement des "étrangers". sans papiers (ou avec). Voyez la peur qui suinte des consciences ... Etranger, mon ami, ne viens pas en France, cette France dont chaque jour j'ai honte. Reste dans ton pays, avec tes difficultés quotidiennes, la répression, les humiliations, tout cela vaudra toujours mieux qu'un séjour sur la terre du coq qui chante sur un tas de fumier; symbole fourre-tout que ce coq , n'est-il pas mon frère.
Ainsi donc une commission d'experts va-t'elle être mise en place ... Jaffray nous avait promis le fangeux ou le creux. On a eu le fangeux puis le creux, nous rappelait lundi matin sur France Culture Olivier Duhamel.
Etranger, mon frère, mon ami, toi qui fut fusillé pour l'exemple durant le premier conflit mondial, toi tirailleur algérien ou sénégalais, goumier marocain, spahi algérien ou marocain, zouave algérien qui fut sommé par la France de tirer sur des peuples insoumis, toi qui au sein des FTP MOI en 40-44 pris le risque de défendre une certaine idée de la France, toi qui a reçu une pension militaire de misère, toi l'écrivain qui vint ici attiré par une certaine idée de la France (libérale, libertaire, cultivée, universaliste), oublie la France au plus vite.
Anti-patriote ? je rappelle qu'aux USA, ceux qu'on a traité de tous temps d'anti-patriotes (période Mac Carthy, guerre du Vietnam, guerres du Golfe, guerre en Irak , guerre en Afghanistan) sont justement les seuls qui ont gardé un tant soit peu des idéaux des pères de la Nation.

Tout cela fait bien sûr partie de la stratégie médiatique sarkozyste, visant à s'assurer la maîtrise du calendrier. Cela n'en reste pas moins une honte; il n'en reste pas moins qu'il faut la condamner.