samedi 27 décembre 2008

Quelle justice ?

D'après agence , concernant l'affaire du sabotage d'une ligne du réseau ferré TGV-Est :

"Ils veulent casser Julien et Yldune. Ce matin, entre le moment où Julien est sorti de prison et le moment où il est rentré au tribunal, il a été déshabillé plusieurs fois. A chaque fois on le met complètement nu. Le but c'est de l'humilier", a déclaré Gérard Coupat vendredi sur France info. Cette image insupportable de son fils "nu devant des policiers hilares" est selon lui une arme politique : il estime "qu'on veut se servir de ces deux jeunes pour intimider la jeunesse dans son ensemble en la dissuadant de manifester au risque de subir le même sort. Tout cela n'annonce rien de bon et risque de contenir en germe des choses plutôt violentes comme on l'a déjà vu ailleurs". Et il est persuadé qu'on a "affaire depuis le début à une volonté du pouvoir et du ministère de l'Intérieur visant à instrumentaliser la justice à des fins politiques". Il en veut pour preuve le fait "qu'alors qu'un juge indépendant avait demandé la libération de Julien, le parquet n'a cessé de faire obstruction, misant sur la loi du plus fort. Ça dure et ca durera" tant que le ministère de l'Intérieur "en aura décidé ainsi".

Sans aller aussi loin, la gauche s'interroge. La décision de justice de maintenir en détention Julien Coupat, incarcéré depuis la mi-novembre, est ainsi "difficile à comprendre" pour le Parti socialiste, où l'on craint que les "leçons d'Outreau" n'aient pas été retenues. André Vallini, secrétaire national du PS chargé de la Justice, qui présida la commission d'enquête sur l'affaire d'Outreau, souligne qu'il "existe en effet des possibilités de contrôle judiciaire très strict allant jusqu'à l'assignation à résidence, de même qu'il y a des possibilités d'empêcher toute concertation entre les protagonistes présumés et qu'il n'est pas difficile de s'assurer des garanties de représentation d'une personne mise en examen".

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S'il advient qu'effectivement des policiers ont eu ses scandaleuses pratiques et attitudes, qui pourra en être surpris ? J'ai déjà évoqué l'extrême importance des critères de recrutement dans la police nationale : on ne peut se permettre de mettre de côté l'attachement aux valeurs républicaines. Que l'on se souvienne comment le pouvoir Nazi a pu mettre en place la horde des blockova, stubova, kapos.

Après Abou Graib, Guantanamo, les guerres en Afghanistan, Irak, Liban, le temps n'est toujours pas venu que le flot des images dégradantes se tarisse. La barbarie humaine. Quand un pays élit un président qui raillait les "droits-de-l'hommistes", on peut s'attendre à bien des dérives dans la pratique du pouvoir. Hillary R. Clinton peut bien invoquer le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, nul ne pourra croire en la sincérité de ces hommes et femmes de pouvoir.

Cette affaire d'un pseudo-groupuscule terroriste me fait penser à ces quelques activistes bretons qui ont recours dans les années 90 à la violence dans leur lutte pour une certaine reconnaissance de la culture bretonne (que Chirac, Sarko, Jospin se rassurent, le temps joue pour les jacobins et leurs affidés; cette culture pluri-centenaire ayant déjà subi les assauts répétés de la république depuis plus de 100 ans, l'identité régionale est sur un mauvais chemin : soit on nous joue le violon mercantile du revival Celte, soit on tombe dans le nationalisme de comptoir, soit on constate l'aculturation. Il est loin le temps où les 4 parfums de la langue bretonne embaumait la vie dans le province. La langue est un véhicule culturel puissant. Trégorois, Vannetais, Léonard, Cornouaillais, tous ceux-là étaient bretons mais à leur manière. Ils étaient héritiers d'une culture un temps partagé avec les cousins Gallois et du Cornwall anglais. La langue galloise et "le" breton furent mutuellement compréhensibles jusqu'au 9e siècle soit 300 ans après la fin de la migration IV/VIe vers la Bretagne Armoricaine). Ceux-là sont placés en détention "provisoire" depuis plusieurs années, sans qu'aucun procès ne soit programmé. Là aussi, il s'agit bien de l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire par le pouvoir politique. Quels que soient les faits reprochés à un justiciable, peut-on accepter que l'on puisse le placer pendant plus de 5 ans en détention provisoire sans qu'aucun jugement au pénal ne soit intervenu ? il faut vraiment que l'Etat soit devenu paranoïaque au dernier degré pour utiliser ce type de procédures à l'encontre de gens qui sont bien loin de représenter un danger pour la Nation. Sarkozy est, lui, un réel danger avéré pour la Nation. Mais l'Etat, monarchie sous l'Ancien Régime, République depuis (avec les intermèdes que l'on sait, eg Restauration, Vichy), ne peut s'empêcher de punir les petits, les sans grades, tout en ménageant (le mot est faible) les puissants (financiers, pdg, ...). L'appareil de l'Etat (police, justice, armée) est consubstantiellement fasciste analysait Lénine. A méditer.

1 commentaire:

F. a dit…

Cher Eric,
je me permets, en toute bienveillance, de soumettre à votre sagacité socialiste une objection critique en réponse à vos deux derniers articles. En effet j'ai vu apparaître à deux reprises l'idée selon laquelle le capitalisme serait un système "consubstantiellement" fasciste (et apparemment, l'Etat français aussi). Je n'ai donc pu m'empêcher de réagir, car c'est une idée, somme toute assez commune chez les gens de gauche, et qui me semble complètement anachronique. Je comprends ce qu'il y a de gratifiant à se poser ainsi en résistant à une oppression terrifiante, mais justement je ne vois derrière cette posture aucun fondement intellectuel solide, mais j'y vois en revanche un frein à toute critique efficace, débarassée d'incantations datées, du capitalisme. Ces critiques là ont ils fermé les yeux sur ce qui s'était passé depuis 40 ans ? Sont-ils encore figés à l'époque du puritanisme militariste des années 50, De Gaulle, Eisenhower, Churchill, le capitalisme nationaliste ? S'accrochent-ils à l'épisode Pinochet ? Ont-ils ouvert les yeux depuis Mai 68 ? Ne voient ils pas que le capitalisme et la société ont changé ?
On peut en effet tout à fait objecter que le capitalisme moderne ne saurait s'accomoder d'une politique fasciste véritable. J'entends par fascisme une société où des pouvoirs forts, monolithiques et traditionalistes, dont l'Etat, l'armée, l'église, veillent à ce que les citoyens se conforment à une norme de vie unique. C'est un projet totalitaire, et par définition donc, anti-pluraliste. C'est une société fermée. Et, bien que, pour survivre, le Capital, flexible et opportuniste, ait souvent été obligé de composer avec des régimes fascistes (voir le film de Visconti Les Damnés, pour illustration appliquée au nazisme), on peut aussi penser qu'il a trouvé dans la "société ouverte" et pluraliste la formule idéale à son développement ultime. Et on peut également avancer qu'il a même pris appui sur les critiques anti-fascistes de la société (jusqu'à Foucault, Deleuze, and co), pour faire sauter les derniers verrous à sa croissance sans entrave : les rapports familiaux, religieux, étant par essence non marchands, leur emprise sur la vie quotidienne étaient vus comme autant de freins à la "vie économique" faite de course au pouvoir d'achat et à la libération des désirs de consommer, qui est le support anthropologique idéal pour la croissance sans fin. Le capitalisme s'est donc engouffré dans les brèches libertaires ouvertes par Mai 68 et ses penseurs adeptes de la libération du désir et contempteurs acharnés du fascisme. Les conséquences de cette évolution objective du léviathan capitaliste sont bien visibles dans les changements de notre société : à votre avis, s'ils étaient réellement fascistes, nos gouvernements (de droite, en partie) auraient ils autorisé l'avortement, aboli le service militaire, supprimé toute notion d'élitisme à l'école et à l'université ? Pourquoi les 30 dernières années, qui ont correspondu au plus grand bond en avant du capitalisme libéral, sont aussi celles qui ont vu s'effondrer l'Eglise et le sentiment religieux (en Europe), ont intronisé l'antiracisme comme nouvelle vache sacrée, ont vu les moeurs se libérer, l'homosexualité descendre dans la rue, sans parler de l'explosion de l'édition et de la production audiovisuelle, assez peu compatible avec la prohibition de la parole libre prévalente en régime fasciste ?
Il me semble qu'il y a une sorte de réflexe anti-fasciste qui continue à être le garant de la bonne conscience d'une certaine gauche schizophrène.

J'espère que mes propos ne vous choquent pas, et j'attends avec impatience votre contre-argumentation.

Amitiés socialistes,
F.