samedi 18 avril 2009

Hola Rafael ! un gran abrazo !



"J'assiste, fiévreux, à l'agonie du capitalisme, qui ne s'est jamais soucié de l'héritage qu'il laisserait aux nouvelles générations. Aujourd'hui, l'objectif, c'est prendre du fric, le maximum, tout de suite, vivre le plus vite possible, et au diable les lendemains ! Sans doute suis-je inadapté à notre société. J'ai un handicap : je ne crois pas à la consommation, à la culture prédigérée. Je suis un has been !

Un de mes anciens professeurs m'a tancé : ton livre est sans espoir ! J'ai râlé : mais moi, je ne suis ni curé ni politicien. Qui serais-je pour porter un drapeau, dicter des lois, une morale ? Vas-y, toi ! Un romancier n'est pas un curé qui s'adonne aux sermons de pacotille, s'évertue à nous faire croire aux mérites d'un paradis vertueux. Un romancier n'est pas un homme politique qui, tout à sa propre gloire, entonne de fausses promesses, utilise un langage vulgaire. Un romancier n'est pas un psychiatre qui diagnostique le mal et tente de le soulager. Un romancier raconte le monde tel qu'il est, avec sa matière à lui, les matériaux qu'il s'est forgés.

Pourquoi parlez-vous de « livre testament » ?

J'ai 60 ans. Je crains fort que Crémation ne soit mon testament. Un roman sur les folies du XXe siècle, sur nos amnésies, sur l'échec de nos utopies, qui brasse la Bible et le Petit Livre rouge de Mao. Nous avons joué avec nos rêves comme des gamins sans cervelle, bouffant le présent sans songer à l'avenir. Après la chute de Carthage, les Romains ont répandu du sel afin que rien, jamais, ne puisse repousser sur son sol. Qu'avons-nous fait de nos désirs, de nos révolutions, de la lutte des classes ? Le prolétariat n'a plus d'existence parce qu'il est devenu muet. Nous sommes entrés dans l'ère de l'insignifiance. Quelles sont nos utopies aujourd'hui ? Nous avons besoin de penser ensemble pour avancer dans ce monde, d'imaginer une idéologie – un mot qu'il ne faut plus employer ! – pour imaginer nos lendemains. Je suis, et veux rester ce vigneron – de Bordeaux, par exemple, parce que j'aime ce vin-là ! – qui plante des vignes en pensant simplement à ses enfants, à l'avenir. "


Rafael Chirbes, 60 ans, écrivain, espagnol, dans une très belle interview Télérama. Ecrivain à la vision aiguisée. Ecrivain révolté. Ecrivain sans concession. Ecrivain bien loin des pseudos- intellos français des salons parisiens. Une parole vraie, engagée, sincère qui montre le vrai visage de la culture, en tout cas un visage qui me touche.

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