vendredi 22 mai 2009

Let's make money

Si je puis me permettre de vous conseiller un film en ce moment de furia people cannoise : "Let's make money" ne vous apprendra peut-être pas grand chose sur les dessous de la mondialisation néo-libérale, mais sait-on jamais. Ca dure environ 2 h (on y entend anglais, allemand, espagnol. VOST conseillée pour ceux qui ne comprennent pas ces 3 langues). Les perspectives sont sombres, si l'on en croit ce député allemand que je "soupçonne" d'être encarté à Die Linke (le parti de gauche d'Oskar Lafontaine). Je pensais à ce concept de barbarie humaine , et puis, non, ça ne pouvait pas s'appliquer là. Et patatras, ce député allemand vous le dit, c'est inéluctable.
Oeuvrons chaque jour pour un autre monde. Yes we can ...

Télérama n°3092, page 57, avril 2009 :
Après "We Feed the World", documentaire évènement sur notre alimentation, le réalisateur Erwin Wagenhofer revient avec "Let's Make Money". Le film suit notre argent à la trace dans le système financier mondial. Ce documentaire impressionnant est le tout premier film à démonter les bases du système libéral et ses conséquences humaines, démographiques et écologiques.

CRITIQUE Télérama bien

Erwin Wagenhofer : la bête noire des néolibéraux de tous poils. Après We feed the world, film-événement sur les dérives peu ragoûtantes de l'industrie agroalimentaire, le réalisateur autrichien continue sa croisade. Dans son collimateur, cette fois, l'argent, le nerf de la guerre. Annonçant la crise des « subprimes », Let's make money démonte un à un les circuits tortueux de la finance mondiale. Des mines d'or du Zaïre au paradis fiscal des îles de Jersey, ce road-movie documentaire prend la forme d'une course-poursuite sur les traces des fonds monétaires internationaux.

Que devient notre pécule une fois mis en banque ? A quoi jouent les banquiers ? A qui profitent les intérêts ? Au fil de sa démonstration, l'ex-journaliste pointe les conséquences concrètes d'une économie démente régie par la cupidité : tramways viennois privatisés, milliards de dollars dormant au soleil, « assassins économiques » missionnés par les pays riches pour saigner le tiers-monde endetté.

Le capitalisme financier, ce concept ô combien abstrait, prend corps, littéralement. On le croyait sans visage et voilà qu'on le croise en personne, sous les traits d'un investisseur autrichien contemplant, depuis l'habitacle climatisé de son 4 x 4, une main-d'oeuvre exotique et bon marché. Des aigles de la finance perchés dans leurs gratte-ciel aux enfants d'Afrique trimant dans les champs de coton, le film dénonce l'inégalité flagrante d'une machine à spolier. D'un plan à l'autre, deux mondes irréconciliables semblent se regarder en chiens de faïence : le « penseur » néolibéral, confit dans le confort d'un palace suisse, et le petit garçon qui fait planer son cerf-volant sur un bidonville de Bombay.

Rien de manichéen, pourtant, dans cette enquête altermondialiste. Rigoureux, synthétique, didactique, Let's make money s'attaque à l'opacité du système complexe qu'il décrit. Pour traquer ses moindres aberrations, Erwin Wagenhofer va jusque sur les terrains de golf de la Costa del Sol, là où la bulle immobilière n'en finit plus de gonfler. Complexes touristiques fantômes, littoral défiguré, ressources énergétiques gaspillées : quelques vues aériennes, accablantes, suffisent à résumer l'absurdité d'un système soi-disant pragmatique.

Subtil jusque dans sa façon de manier l'ironie, le cinéaste filme ses interlocuteurs dans les transports (taxi, avion, train, téléphérique), comme pour se moquer de ces hommes pressés, pour qui le temps reste encore et toujours de l'argent. Mais c'est aussi à nous, citoyens ordinaires des pays riches, que s'adresse Let's make money. Plaidoyer pour une redistribution équitable des richesses, il nous pose à tous cette question existentielle : est-ce qu'être c'est avoir ?

Mathilde Blottière

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