samedi 20 juin 2009

"Coup d'état" électoral en Iran ?


Aucune donnée sérieuse ne permet d'analyser la situation, en tout cas de conclure à une fraude massive. Les experts auto-proclamés, exilés iraniens ou occidentaux, ne sont en rien en prise avec la complexité de la société iranienne. Comme à leur habitude, les médias occidentaux, sur la foi des déclarations péremptoires des susdits experts, nous annonçaient la victoire de Mir-Hossein Moussavi (en 2005 , c'était l'Ayatollah Ali Akbar Hashemi Rafsenjani qui était leur chouchou : il ne passa pas le cap du 1er tour, avec un score ridicule. Laminé sur fond de campagne anti-corruption menée par Ahmadinedjad). Moussavi aurait été le vrai vainqueur de la présidentielle iranienne de la semaine passée. Toute l'analyse se base sur des révélations du camp Moussavi (il aurait été informé par le guide suprême de la révolution de sa quasi victoire électorale, un deuxième tour l'aurait opposé à Mehdi Karoubi). Une enquête sérieuse reste, à l'évidence, à mener, pour qui recherche la vérité. Pour les autres, qu'ils soient fournisseurs ou consommateurs de propagande, il s'agit d'une autre histoire ...
Il n'est pas pour autant raisonnable d'écarter la possibilité d'une fraude, sous la forme de résultats publiés non conformes aux décomptes. L'autre option (bourrage de urnes) est dénuée de tout fondement, car cela mettrait en jeu environ 5 millions de bulletins. Ahmadinejad peut-il se prévaloir d'un très large soutien populaire ? les cadeaux distribués lors des déplacements en province du président ont-il pu contrebalancer les effets désastreux de la politique économique du dernier gouvernement ? quel crédit les iraniens accordent-ils aux trois autres candidats ?
Moussavi était, et reste, présenté comme un quasi-réformateur, ayant mené campagne à la Barack Obama ... on croit rêver. Il suffit de regarder les débats télévisés, et de se rappeler le parcours dudit Moussavi, de garder en tête la structure du pouvoir iranien, et tout le médiocre château de cartes des medias occidentaux s'écroule. Moussavi n'est en rien en réformateur. L'eût-il été que son poids politique l'aurait empêché de mener toute réforme d'envergure (cf les 2 mandats de Seyyed Mohammad Khatami, de 1997 à 2005). Le pouvoir politique et économique est détenu par un agrégat de théocrates et non pas par le président le république islamique: le guide suprême, le conseil des gardiens de la révolution, les membres du conseil de discernement, les fondations islamiques (qui brassent un argent énorme, se voyant octroyer dans la plus totale opacité de juteux marchés publics), les pasdarans (Pasdaran-e Enghelāb-e Islami - Gardiens de la Révolution Islamique, généralement dénommés en Occident sous le vocable raccourci de "Gardiens de la Révolution"), les bassidji (Niruyeh Moghavemat Basij , ou « Force de mobilisation de la résistance »). Ce millefeuille, mélange hétéroclite de fanatiques religieux, de patriotes exaltés, de paramilitaires, de forces supplétives, verrouille toute évolution, et prévient tout révolution (les précédentes tentatives ont été sévèrement réprimées par le régime).
Qui peut croire que, ayant invalidé des milliers de candidatures, le conseil des gardiens de la révolution aurait choisi 4 candidats dont l'intention aurait été de bouleverser le régime en place depuis 1979 ? restons sérieux. A moins de voir un scénario à la Mikhail Gorbatchof, aucune altération majeure à la République islamique d'Iran ne se fera jour. Sauf à envisager une attaque militaire israélienne ou américaine (scénario à l'irakienne), le système saura réprimer les vélléités révolutionnaires de telle ou telle partie de la société iranienne. Les quatre candidats en lice ne sont que quatre facettes du pouvoir en place, quatre pseudos-rivaux, représentants de factions qui se livrent un combat loin des caméras. Combat pour le pouvoir, et non combat pour le peuple iranien, qui dans sa grande majorité vit pauvrement. La politique économique aberrante du gouvernement sortant n'ayant fait que renforcer cet état de fait. Cependant, la population reste à un niveau d'éducation remarquable, ce qui tranche avec les voisins arabes (les iraniens sont majoritairement persans et chiites; la minorité arabe jouit d'une situation peu enviable; les azeris étant d'une origine posant question : turcs, persans, causasiens ?).
Les manipulateurs d'élections ne sont pas l'apanage des totalitarismes, de droite ou de gauche, des théocraties ou autres systèmes politiques ayant fleuri à la surface de la terre. La CIA met tout son poids depuis 60 ans pour évincer tel ou tel président ou premier ministre légitime pour les remplacer par des satrapes à la solde des intérêts états-uniens.
Quand on connait l'état réel des démocraties occidentales, tous ses leaders devraient rester modestes et bien se garder de pousser des cris d'orfraies quand le résultat de telle ou telle élection ne correspond pas à leurs intérêts de classe. Les tripatouillages de bulletins électoraux aux USA ont conduit Richard Nixon à être battu par JF Kennedy, Al Gore a être battu par GW Bush
. Les rédécoupages électoraux en France se font sur des bases profondément anti-démocratiques afin de préserver des baronnies. Les exemples sont légions. Laissez les iraniens décider de leur futur. Européens, nous étions tels des cochons dans la fange, quand les élamites, les achéménides, et autres grandes civilisations du monde iranien, iradiaient leur culture, leur rafinement. Les voisins : Assyriens, Babyloniens ... leurs arts, leurs langues, leurs systèmes juridiques, économiques et politiques ont précédés les nôtres de plusieurs millénaires.

Pour aller plus loin :
* des universitaires US ont rédigé un appel, que j'ai découvert via Mediapart le 22 juin, dans lequel on lit "Observers might find the situation confusing, since Iran has long been an isolated country and the everyday Iranian is unknown to the outside world. One cannot even prove that there was a fraud." (Les observateurs extérieurs pourraient bien trouver la situation confuse, dès lors que l'Iran est depuis longtemps un pays isolé et que l'iranien de tout les jours est inconnu du monde extérieur à l'Iran. On ne peut prouver qu'il y a eu fraude). Texte complet de l'appel à l'adresse :
http://pulsemedia.org/2009/06/21/where-is-my-vote/

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