samedi 19 avril 2008

Indécente obsession du droit des victimes

Un ministre de l’intérieur très attaché à la justice

« Je suis très attaché à la justice, mais je ne pense pas que le laxisme et la démission ça fasse avancer la justice » (RTL 22 septembre 2006).

« En conseil des ministres, j’ai demandé au président de la République de demander au Garde des Sceaux ce qu’il allait advenir du magistrat qui avait osé remettre un monstre pareil en liberté » (22 juin 2005)

« Certains tribunaux se sont faits une spécialité d’exonérer les mineurs de toute forme de responsabilité. C’est le cas par exemple en Seine Saint Denis. Et ce n’est pas par hasard si la Seine Saint Denis connaît une délinquance parmi les plus fortes de France » (Le Figaro Magazine, 2 septembre 2006).

« J’ai parlé du président du tribunal pour enfants de Bobigny dont la stratégie est bien connue depuis des années, elle consiste à refuser obstinément de punir et de sanctionner des mineurs récidivistes dans ce département. Ainsi... en 27 nuits d’émeutes en Seine Saint Denis, il y a eu une décision d’emprisonnement. Ainsi à ce moment-là, je comprends très bien que ce monsieur, que je respecte par ailleurs, ait une stratégie qui consiste à faire confiance et à refuser de punir, mais dans ce cas-là, qu’on ne le laisse pas à la tête du premier tribunal pour mineurs, dans un département si difficile. » (émission “À vous de juger”, novembre 2006).

(Serge Portelli, Ruptures, chapitre XII)

Un président de la République implacable et vengeur ...

"Les droits de l'homme, c'est d'abord les droits de la victime ..... ma priorité, ce sont les victimes pas les coupables. Et je n'ai pas l'intention de laisser ces fauves en liberté". Bordeaux, visite d'un commissariat de police, 22 janvier 2008. Propos cités dans Libération du 23/1/2008.

On connait la propension du Président N.S. à fouler aux pieds les principes de liberté, d'égalité, de fraternité, bref, les principes fondateurs de notre République. Durant sa campagne présidentielle (et précédemment durant son long passage Place Beauveau), il a clairement tenté d'interférer dans les décisions de justice, de renverser les principes de notre Justice, vieux de trois siècles. Pour quel(s) motif(s) ? les Juges seraient laxistes et il s'agirait de redonner aux victimes la priorité dans l'instruction (qui deviendrait donc quasi exclusivement à charge) et au cours des procès (au civil, au pénal). Quelle conception de la Justice qui place fermement les préjudices et les douleurs des victimes au-dessus du droit des accusés ! Henri Leclerc, avocat, ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme (fervent défenseur de la liberté de la presse, des droits sociaux, ... depuis plus de cinquante ans) nous dit très sagement : "Je comprends la douleur des victimes. Je comprends que cette douleur se transforme en colère, même en haine. Pourquoi pas, si cela peut apaiser leur douleur ? Mais ce ne sont pas elles qui jugent. Les victimes ne jugent pas". Et l'on s'en réjouit. Ca serait faire grand place à la part de barbarie/animalité humaine, qui, chaque jour, si l'on n'y prend garde, tente de gagner du terrain. Que veulent ces victimes qui nous disent "il n'y a pas de justice", "la peine est trop légère" ? Elles réclament vengeance. la Justice leur importe peu. Aveuglées par leurs souffrances, par ailleurs légitimes, elles ne s'élèvent pas mais s'abaissent. Ne m'a t'on pas fait les remarques suivantes récemment "oui mais tu comprends, ces multi-récidivistes, il faut les enfermer à vie. On ne peut pas les laisser en liberté, sinon ils recommenceront" ou "tu comprends, il faut protéger les victimes". Ces remarques m'ont d'autant plus choquées qu'elles émanaient de gens cultivés ou plutôt cultivés. Elles m'ont amené à afficher clairement mes positions en la matière.

C'est méconnaître gravement la réalité carcérale et la psychologie humaine que de penser que la prison à vie est une solution viable. Que le rétablissement de la peine de mort est souhaitable. Nul n'a le droit d'ôter la vie à l'un de ses semblables. Il n'existe aucune exemption possible. Pas de 'mais". Je ne suis pas laxiste, je suis humaniste. L'heure n'est pas à baisser la garde mais à la relever, à relever le défi d'une nouvelle humanité. A tendre vers le supra-humain décrit par Sri Aurobindo.

La facilité nous jette dans les bras des réflexions bas de gamme, dans la condamnation sans appel, dans l'esprit de vengeance, dans un vil sentiment d'association aux victimes de crimes odieux (ne me parlez pas ici de la compassion, il s'agit bien de tout autre chose). Que souhaite-t'on : s'avilir encore plus, renforcer la décadence morale, psychologique, physiologique de nos sociétés humaines que tout être lucide ne peut que constater avec effroi ? ou extraire de nos entrailles cet être vil qui nous rabaisse vers la condition animale de l'absence de conscience ? le premier chemin est aisé, ne demande aucun effort, juste de se laisser tomber vers le connu, vers les ténèbres de l'âme humaine en souffrance depuis tant de milliers d'années. Le second nous mène en terra incognita, à la recherche de notre être profond, à un travail sur soi en profondeur afin de faire rejailllir la lumière de la fraternité, de l'humilité, de la Justice.

" Il est bien plus difficile d'être un homme libre que d'être un esclave", Aimé Césaire.

"J’ai horreur de la peine de mort. Au nom de la société, tuer " légalement " est un crime et un encouragement à la vengeance. À partir du moment où l’État peut se le permettre, pourquoi les particuliers ou les peuples ne se le permettraient-ils pas ?", Germaine Tillion.

P.S. : Enjeux de la nouvelle loi dite "de rétention de sûreté", créant des centres d'enfermement à vie pour les criminels jugés dangereux après l'expiration de leur peine de prison :

http://www.lautrecampagne.org/retention,surete,justice.php#ch1

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