dimanche 13 avril 2008

La flamme olympique s'est depuis longtemps éteinte

Le parcours plus que chaotique de la flamme olympique cette semaine, m'a inspiré ces quelques réflexions :
Au-delà du caractère violent de cette mascarade orchestrée, y compris sur le sol national, par les autorités chinoises, au-delà des évènements qui seront bien vite oubliés, tant par les mass-media que par les foules, une analyse désabusée, désenchantée s'impose. Moi qui ait pratiqué le sport en compétition (cross-country, golf), sans jamais me départir d'une philosophie respectueuse des autres et de soi-même, je suis depuis longtemps choqué par la "pratique" sportive au niveau professionnel, et à un autre degré, au niveau amateur. Il me semble plus immoral encore de tricher au niveau amateur qu'au niveau sportif. Le sportif professionnel doit gagner sa vie, aspire à la gloire éphémère, aux bien vite vacillants feux de la rampe; l'amateur veut lui aussi sa part de gloire crasse, l'alignement des breloques dans la salle à manger ou le salon. Le ressort psychologique est peut-être analogue. L'homme s'attache ataviquement aux résultats de ses oeuvres, là où il serait conforme au dharma d'aspirer à bien se comporter, sans être outre mesure enchanté de bons résultats, ou à l'opposé, fort marri de mauvais résultats.
A qui fera t'on croire que l'esprit olympique anime les acteurs de ce qui est devenu au fils des ans un barnum médiatico-mercantile ? Les grandes firmes se battent pour remporter les contrats publicitaires (sponsoring), les sportifs sont fréquemment individualistes et recourent au dopage, rendant toute performance douteuse. Si l'esprit olympique n'est pas mort en 1936 à Berlin (une grande époque démocratique ...), ou lors des Jeux de Munich en 1972 (prise d'otages meurtrière de sportifs israéliens par des activistes palestiniens), il l'est alors peut-être à l'occasion des deux boycotts de 1980 et 1984 (Moscou, Los Angeles) ou plus sûrement dans les années 70 et 80 quand de nombreuses nations, pour d'obscures raisons nationalistes inhérentes à la guerre froide, ont industrialisé le dopage. Puis est venu l'ère du commerce mondialisé, des marchés à conquérir de gré ou de force (ça n'est pas sans rappeler l'esprit de la sentence péremptoire du n°2 de la cultissime série des années 1960 "The prisonner" :
by hook or by crook, we will, le n°6 refusant de se soumettre à l'injonction "We want information"). Le sport est alors devenu accessoire, ainsi que la fraternité entre sportifs, l'émulation naturelle du véritable esprit de compétition. De coup de canif en coup de canif dans le contrat moral, au fil du 20ième siècle, les Jeux sont partis en eau de boudin. Mais la masse continue d'y croire, bon an mal an, et les recettes publicitaires s'amoncellent. L'engouement populaire à ses raisons que la raison ne connait pas : le Tour de France cycliste masculin, gangréné depuis des décennies par le dopage et les tripatouillages divers des sagouins du microcosme cycliste, reste encore de nos jours un spectacle qui attire des millions de gens sur les routes, prêts à passer trois ou quatre jours dans une tente ou un camping-car pour voir passer en trombe le peloton (même à 30/35 km/h dans une assez rude ascension, l'affaire est ficelée bien vite).
Les évènements sportifs sont devenus les jeux du cirque moderne. On éructe dans les tribunes, on villipende l'arbitrage, on profère des insultes racistes. Quel pitoyable spectacle ! Mais le spectacle est aussi sur le pré, ou sur la piste d'athlétisme ou le bitume du quotidien : nos gladiateurs modernes sont gavés de produits dopants, tant les efforts demandés au corps et à l'esprit des sportifs à l'entraînement et lors des rencontres officielles vont au-delà ce que ce corps et cet esprit peuvent supporter sans l'apport de la chimie moderne. Spectacle, divertissement futile : ainsi en va-t'il de la politique, comme du sport, dans un vaste processus consumériste, dans un instantané se refusant à toute réflexion de fond. Le grand flot de l'actualité charrie dans un même salmigondis, nouvelles du monde politique, du monde sportif, du monde du spectacle, du monde médical. Noyade assuré pour le
vulgum pekum, ou à tout le moins, étourdissement et avilissement moral. Où est passé l'idéal formateur de la pratique sportive ? la championnite aigüe anime nombre de nos braves éducateurs. Nos bambins sont vite formatés. Le milieu scolaire lui-même renforce cette pression de l'immédiateté, de la compétition malsaine, du culte du résultat, détruisant par là, à petit feu, la part humaine, pour laisser plus grande place à la part vile qui sommeille en chaque être humain.

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