dimanche 14 septembre 2008

Du rififi en Bolivie. Tu te casses de Caracas ...

Une pièce en plusieurs actes, mettant aux prises, dans le plus pur style "lutte des classes", les forces progressistes (plus ou moins) sud-américaines et les forces réactionnaires des droites sud-américaines et nord-américaines.
Le 22 août dernier, Jorge Martin publiait un article détaillé sur la situation en Bolivie :

Après avoir largement remporté le référendum du 10 août, le président de la Bolivie, Evo Morales, a proposé à l’oligarchie de négocier. Comme il fallait s’y attendre, l’oligarchie a répondu à Morales par une nouvelle offensive contre le gouvernement démocratiquement élu, en utilisant tous les moyens à sa disposition : la violence, les gangs fascistes, le sabotage économique, etc.

La nuit du référendum lui-même, Ruben Costas, le préfet de Santa Cruz – et l’une des principales figues de l’opposition de droite – a déclaré que les résultats confirmaient son projet réactionnaire sur « l’autonomie » de Santa Cruz. Il a annoncé qu’il allait commencer à promulguer ses propres lois et mettre sur pied des forces de police et un agence fiscale départementales. Cette provocation montre que la classe dirigeante cherche à prendre le contrôle de l’appareil d’Etat dans le but d’empêcher tout changement, dans le pays.

Quant aux préfets réactionnaires de Tarija, Pando, Beni et Chuquisaca, ils ont finalement accepté de rencontrer des représentants du gouvernement central, mais ce ne fut qu’une formalité. Au bout de quelques heures, ils ont quitté la réunion en déclarant qu’ils ne reprendraient pas les négociations. Puis ils ont annoncé une « grève civique » – en réalité, un lock-out patronal – pour le 19 août.

Je ne puis évidemment que souscrire à l'analyse : la droite attend toujours que l'adversaire soit faible, qu'il se résigne. C'est au coeur du projet des ultra-libéraux et ils l'ont écrit, mais c'était il y a si longtemps, et puis ça demande une certaine activité neuronale. Bref, c'est un sujet "prise de tête" pour reprendre un expression en vogue dans divers milieux socio-professionnels de ce pays. Ce projet ultra-libéral (quoique je conteste vivement que ce projet revête un caractère peu ou prou libéral, au sens original du terme) vise à affaiblir les syndicats ou à les rendre dociles, à affaiblir la classe ouvrière ou à la rendre docile (lire Milton Fridman - Capitalisme et liberté, La liberté du choix ou La constitution de la liberté ou Droit, législation et liberté , Friedrich Hayek - La route de la servitude). Mais les peuples sud-américains ne sont pas prêts à renoncer à la légitime lutte pour leurs droits fondamentaux. Les fascistes boliviens ayant fait feu de tout bois ces derniers mois pour renverser Evo Morales, ce dernier a fini par expulser l'ambassadeur US. Il est acquis que ce malfaisant est un agent actif au sein du mouvement structuré de la sédition fasciste bolivienne, avec le support actif de la CIA (spécialisée dans les coups tordus depuis 60 ans : on ne compte plus les assassinats, enlèvements, renversements de Présidents socialistes. J'ai déjà écrit sur le sujet il y a quelques mois). En réplique, les Etats-Unis ont renvoyé l'ambassadeur bolivien dans son pays. Par solidarité, et par provocation sans doute, le Président vénézuélien, le bouillonnant Hugo Chavez Frias, vient de donner 72h à l'ambassadeur US Goldberg (déjà bien connu pour ses agissements douteux dans ce qui était la future ex-Yougoslavie), pas seulement devenu une pétaudière par la volonté pan-slave de Slobodan Milosevic et ses amis) pour quitter Caracas, et a demandé à Victor Guzman, ambassadeur vénézuélien aux Etats-Unis de rentrer au pays, dans le cadre d'une refonte des rapports diplomatiques entre les deux pays. Les propos très durs de Chavez ne sont pas forcément de la meilleure veine, ni dignes d'un Président, mais il faut tenir compte du contexte local avant de se permettre de porter un quelconque jugement :
"¡Váyanse al carajo, yanquis de mierda, que aquí hay un pueblo digno. Váyanse al carajo 100 veces!" peut être traduit pour les non-hispanophones par « Allez vous faire foutre, Yankees de merde ! ici il y a un peuple digne. Allez vous faire foutre 100 fois !»
"Ya basta de tanta mierda de ustedes, yanquis de mierda" Il y en a assez de tant de votre merde, Yankees de merde.

Ya basta : oui, ça suffit, on en conviendra, de la volonté néo-impérialiste de faire main basse sans relâche sur les ressources de la terre, situées sur des terres étrangères (Asie Centrale, Amérique du Sud, ). En cas d'agression américaine, Chavez a annoncé à une foule enthousiaste que la livraison d'hydrocarbures vers les Etats-Unis (clients institutionnels et privés) seraient interrompues : "Si viniera alguna agresión contra Venezuela, pues no habrá petróleo para el pueblo ni para el gobierno de EEUU. Nosotros, yanquis de mierda, sépanlo, estamos resueltos a ser libres, pase lo que pase y cueste lo que nos cueste" qui se traduit par : Si une agression contre le Vénézuela survient, il n'y aura plus de pétrole ni pour le peuple ni pour le gouvernement US. Nous, Yankees de merde, sommes résolus à être libres, qu'il se passe ce qui doit se passer, et que cela nous coûte ce que cela doit nous coûter.

Derniers évènements en Bolivie, en situation quasi-insurrectionnelle :
AFP 12/09/2008 :
« Depuis quatre jours, des heurts et des manifestations sporadiques se poursuivent dans les cinq régions de Santa Cruz (Est), Tarija (sud), Beni et Pando (nord) et Chuquisaca. "Je ne vois pas comment cela peut s'arrêter, il s'agit de groupuscules et de commandos très organisés", explique à l'AFP Franck Poupeau, un sociologue de l'Institut français d'études andines (IFEA) basé à La Paz. Dans plusieurs régions, les manifestants anti-gouvernementaux se sont emparés de bâtiments des douanes, des impôts, de centraux téléphoniques ou même de petits aéroports." Ces prises d'institutions publiques n'ont rien de mobilisations populaires, ce sont de petits groupes très organisés", remarque M. Poupeau qui ne voit pas dans l'immédiat de possibilité de dialogue ni de sortie de crise. »

Voila ce que ces "amis de la démocratie" sont prêts à faire quand les résultats des élections leur déplaisent.

Que l'on ne se trompe pas. Les enjeux sont très importants : il ne faut pas regarder cela de loin ou avec la condescendance propre aux Occidentaux. Il y a d'ailleurs un besoin urgent de formation dans le secondaire pour les jeunes, et à destination des masses (on notera l'échec patent d'une organisation comme ATTAC qui avait l'ambition de reprendre le flambeau de l'Education Populaire, abandonné par un PCF morribond) aux cultures, à l'Histoire, aux enjeux modernes des différents pays de l'Amérique du Sud. Idem pour les pays d'Asie Centrale et du Caucase.

Pour aller plus loin :
* Les Etats-Unis et Chavez : l'histoire a-t-elle vraiment changé ? article de Lamia Oualalou du 12 septembre disponible sur Mediapart (abonnés seulement). Avec le vidéo de l'intervention publique d'Hugo Chavez.
*http://fr.news.yahoo.com/afp/20080912/twl-energie-gaz-politique-gouvernement-4bdc673.html
* Hispanophones seulement (désolé ...) : http://www.elmundo.es/elmundo/2008/09/12/internacional/1221177561.html. "Chávez expulsa al embajador de EEUU en solidaridad con Bolivia", un article du journal espagnol El Mundo.
* "Socialism or reformism" : livre de l'analyste marxiste Alan WOODS disponible en espagnol et en anglais

*
biographies succinctes mais pertinentes : http://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Hayek; http://fr.wikipedia.org/wiki/Milton_Fridman

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